Les changements dans l’environnement sociétal

  1. Si pour accompagner le changement, l’établissement doit ajuster son pilotage au gré des réformes et des contraintes budgétaires, il doit également considérer l’évolution, voire la transformation de certains métiers, nécessitant d’être repensés, ou réorganisés. Le rapport usager-professionnel de santé devra également faire l’objet d’une attention particulière de la part de la direction de l’établissement, manifestement tenue de prendre en considération les souhaits de ces consommateurs avisés dans la gestion de l’établissement. Nous constaterons ainsi, à quel point l’évolution des métiers (I) et l’évolution des attentes de usagers (II), impactent le contenu d’une démarche GPEC.

L’évolution des métiers de la santé

  1. La volonté de mettre en œuvre une coopération entre professionnels de santé, est née de plusieurs années de réflexion et d’études relatives à l’évolution des métiers de la santé. Quelques considérations sociodémographiques, permettent ainsi d’affirmer que les métiers de la santé subissent l’influence des chocs démographiques, ainsi que de l’explosion des nouvelles technologies. Pour conduire une démarche GPEC, l’établissement devra donc anticiper cette évolution des métiers à travers l’analyse de l’impact des évolutions démographiques (A) et des nouvelles technologies (B) sur les métiers de la santé.

L’impact des évolutions démographiques sur les métiers de la santé

  1. Le vieillissement naturel de la population associé aux évolutions technologiques continues de la médecine, sont à l’origine de l’apparition de nouveaux métiers dits « émergents[1]», favorisant la recherche de nouveaux profils d’experts ou de gestionnaires.

D’ici 2015, le nombre de personnes âgées de plus de 85 ans devrait atteindre les 2 millions, impactant de ce fait le risque d’entrée en état de dépendance. Cette croissance, principalement justifiée par le vieillissement des « baby-boomers », sera à l’origine de la création de 400 000 emplois dans ce secteur. Selon l’INSEE, la population des personnes ayant atteint le grand-âge progressera ainsi de 28% entre 2005 et 2050.

  1. Le vieillissement de la population, ainsi que le développement des maladies neuro-dégénératives tels qu’Alzheimer ou Parkinson, induira nécessairement des prises en charge globales, notamment sociales et psychologiques, et conduira ainsi à l’apparition de nouveaux métiers. Ainsi, « les maisons de retraite vont être obligées de créer des emplois liés à la dépendance et à l’animation. Les postes de coach pour quatrième âge vont se développer. On va également voir apparaître de plus en plus d’ergothérapeutes, de psychologues et de médecins coordinateurs [2]». Ce phénomène a déjà suscité la création de nouveaux métiers tels qu’assistant de vie social (AVS) ou assistant de soins en gérontologie (ASG). Ainsi que le rappelle Madame Nora BERRA[3], ces métiers « constituent un véritable gisement d’emplois. Nos aînés sont désormais un moteur de croissance économique. De plus, changer le regard sur ces métiers, c’est changer le regard sur les personnes âgées[4]».
  1. Afin de combler ces nouveaux besoins, un rapport relatif aux « nouveaux métiers de la santé [5]» a été remis au ministre du travail et de l’enseignement supérieur le 2 février 2011, en vue de créer de nouveaux métiers de la santé dits « intermédiaires[6]» entre médecins et paramédicaux. Le rapport propose de mettre en place, prioritairement, une politique modernisée des ressources humaines, en imposant, d’une part, la démarche métier[7], et d’autre part, en confortant et développant les métiers socles[8]. L’axe majeur du rapport réside dans la création de professions de santé de niveau intermédiaire, nécessitant un encadrement du champ des nouveaux métiers ainsi qu’une valorisation des parcours professionnels.
  1. Le vieillissement de la population combiné au fort taux de départs à la retraite des professionnels de santé depuis 2008, impactent également, très largement certains métiers de la santé confrontés à une pénurie de main d’œuvre soignante ou médicale. Cette tendance devrait d’ailleurs rester inchangée jusqu’en 2020-2025. Si les effectifs des pharmaciens, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes et sages-femmes devraient continuer leur progression jusqu’en 2017, en revanche un certain nombre de métiers, médicaux et soignants tels que chirurgiens-dentistes sont en régression depuis 2005[9], ce qui induit la mise en œuvre d’une gestion prévisionnelle des ressources humaines, plus axée sur une gestion qualitative des ressources humaines.

Afin de renforcer l’attractivité des métiers de la santé, une campagne nationale de valorisation des métiers de la santé a d’ailleurs été initiée par le ministère du travail, de l’emploi et de la santé, du 12 au 31 mars 2012. Une telle campagne de promotion a pour visée de mettre en exergue les multiplicités et l’intérêt des métiers de la santé, les facilités de formation offertes par le secteur, l’attractivité des conditions d’exercice, mais aussi l’émergence de nouvelles technologies au service de la médecine. Le message de cette campagne nationale semble donc très explicite : le secteur sanitaire et médico-social a besoin de personnel soignant et médical. « D’ici 2015, ce secteur qui représente 6.58% de la population active va donc très fortement recruter[10]».

  1. Les évolutions démographiques impactent manifestement l’évolution des métiers de la santé, et par là même, la démarche GPEC. Il en va de même s’agissant des évolutions technologiques.

L’impact des évolutions technologiques sur les métiers de la santé

  1. Si l’on envisage les métiers de la santé à l’horizon 2025[11], nous sommes en mesure de dire que l’explosion des nouvelles technologies induira fatalement l’émergence de nouvelles compétences et conduira à une simplification des technologies et notamment à la robotisation de la chirurgie. Les nouvelles technologies telles que l’imagerie médicale, la robotique ou l’architecture des systèmes d’information hospitaliers conduiront à la « simplification des gestes techniques diagnostiques et thérapeutiques[12]» et permettront de ce fait à des professionnels non chirurgiens, d’effectuer des interventions sur le corps du patient, en partie voir en totalité. Une assistante infirmière pourrait par exemple participer à l’intervention en utilisant un télémanipulateur. Ainsi que l’affirme Monsieur le professeur Guy VALLENCIEN[13], dans l’avenir, le rôle du médecin devrait radicalement changer. En effet, s’il demeure la pièce centrale du puzzle, le médecin devrait être entouré d’un certain nombre de personnels, assistants médical ou ingénieurs opérateur, titulaires de leur propre responsabilité et participant à l’acte opératoire.

Paradoxalement, le rôle du médecin sera minimal, mais également tout à fait fondamental, car ce dernier « aura seul le droit de déroger aux règles communes, édictées pour assurer les bonnes pratiques professionnelles , car parfois, un malade, personnellement, socialement, religieusement, culturellement, professionnellement, ne peut pas rentrer dans la règle commune[14] ». Dans un avenir proche, le médecin aura donc « un rôle personnel, de porter le malade hors des règles[15] ».

  1. En outre, de nouveaux métiers en lien avec les systèmes d’informations voient progressivement le jour : ingénieur en informatique décisionnelle de la santé, ingénieur clinique, ingénieur en systèmes embarqués et télésanté[16], manager data santé[17] sont aujourd’hui formés et sont indispensables au fonctionnement de l’établissement[18]. A titre d’exemple, l’Institut supérieur de la santé et des bioproduits d’Angers (ISSBA)[19], propose aujourd’hui un master ainsi qu’un Diplôme Universitaire (DU) « Management et sécurité des SI de santé ». L’institut télécom de Montpellier[20] a également crée une « formation ingénieur et master Technologie de l’Information et de la Communication (TIC) et santé ».

La télémédecine, définie par la loi HPST[21], est l’illustration parfaite du développement de ces nouvelles technologies. Selon l’art. L.6316-1 du Code de santé publique. « La télémédecine est une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication. Elle met en rapport, entre eux ou avec un patient, un ou plusieurs professionnels de santé, parmi lesquels figure nécessairement un professionnel médical et, le cas échéant, d’autres professionnels apportant leurs soins au patient.

Elle permet d’établir un diagnostic, d’assurer, pour un patient à risque, un suivi à visée préventive ou un suivi post-thérapeutique, de requérir un avis spécialisé, de préparer une décision thérapeutique, de prescrire des produits, de prescrire ou de réaliser des prestations ou des actes, ou d’effectuer une surveillance de l’état des patients ».

La téléconsultation, la télé expertise, la télésurveillance médicale ainsi que la téléassistance médicale, constituent ainsi des actes de télémédecine.

Si certains considèrent la télémédecine comme « une fausse bonne idée[22]» source de « déshumanisation [23]», d’autres estiment qu’elle est « comme presque déjà dépassée[24] », suppléée progressivement par la e-santé. Cette dernière permettrait en effet, de basculer d’une « vision verticale » à une « organisation plus horizontale » intégrant « l’intelligence collective, générée par le potentiel d’interactivité du web 2-0[25] ». Le colloque singulier visé par Hippocrate laisse ainsi place à un colloque « pluriel », induisant une intervention pluridisciplinaire lors de la prise en charge du patient.

  1. Si la démarche GPEC doit anticiper l’évolution des métiers de la santé, elle doit également répondre aux attentes des usagers.

[1] O. DERENNE ET A. LUCAS, distinguent les métiers « sensibles », « critiques », « de proximité », « émergents », et les « aires de mobilité ».

[2] Propos tenus par Monsieur Joël RIOU, directeur du salon des métiers du grand âge et de la revue « Géroscopie ».

[3] Nora BERRA a été nommée Secrétaire d’Etat chargée des aînées, puis de la santé du 14 nov. 2010 au 10 mai 2012.

[4] Communiqué de presse, Formation, Recrutement, Accompagnement – Salon des métiers du grand âge, mars 2010.

[5] L. HENART, Y. BERLAN, D. CADET, Rapport relatif aux métiers en  santé de niveau intermédiaire – Professionnels d’aujourd’hui et nouveaux métiers : des pistes pour avancer. Janv. 2011.

[6] Selon le rapport, les nouvelles professions créées bénéficieront d’une formation intermédiaire (Master – Bac +5), entre les auxiliaires médicaux de formation de type Licence (Bac+3) et les prescripteurs de formation de type Doctorat (Bac +8 minimum). L’activité de ces nouveaux métiers portera sur le diagnostic, la consultation et la prescription.

[7] La démarche métier consiste à sortir de la logique actuelle qui veut que le diplôme autorise seul l’exercice de la profession. Le rapport propose de substituer à la filiation diplômeàmétier, la connexion suivante : besoinsàactivitésàcompétencesàmétieràformationàdiplôme. Dorénavant, la réflexion s’engageant autour du diplôme doit être envisagée à partir de la définition des besoins.

[8] Les métiers socles font référence aux métiers existants aujourd’hui, et auxquels sont attachés un diplôme ou un certificat. La mission propose de faire le point sur ces métiers existants, et de les faire évoluer en fonction des nouveaux besoins en santé.

[9] Campagne nationale de valorisation des métiers de la santé, dossier de presse, 2 mars 2012. « La santé c’est 200 métiers et autant de façon de voir son avenir ».

[10] Campagne nationale de valorisation des métiers de la santé, dossier de presse, op.cit.

[11] Colloque prospective santé 2025 – Vers une vision partagée des innovations santé à l’horizon 2025, 18 nov. 2010.

[12] G. VALLANCIEN, Colloque prospective santé 2025. www.santé-2025.org/.

[13] Guy VALLANCIEN, Professeur d’urologie à l’université René Descartes Paris 5, Président de l’Ecole européenne de chirurgie. Le professeur VALLANCIEN est intervenu à l’occasion du « Colloque prospective santé 2025 » à propos des « nouvelles relations entre acteurs pour l’efficience du système de santé ».

[14] G. VALLANCIEN, op.cit.

[15] G. VALLANCIEN, op.cit.

[16] Un ingénieur en systèmes embarqués et télésanté crée des systèmes qui permettent un suivi médical des malades et les soins à distance.

[17] Le Data Management est l’activité de la recherche clinique qui contribue à assurer la documentation et la qualité de la base de données clinique dans laquelle seront reportées les informations recueillies au cours des essais thérapeutiques.

[18] Voir l’article de Valérie FROGER, journaliste économique et spécialiste de la création d’entreprise. Connaissez-vous les nouveaux métiers de la santé ?

http://www.lexpress.fr/emploi-carriere/connaissez-vous-les-nouveaux-metiers-de-la-sante_901260.html.

[19] .

[20] .

[21] Loi HPST n°2009-879 du 21 juillet 2009, art. 78.

[22] D. DUPAGNE, Télémédecine, grrr ! – La téléconsultation est une fausse bonne idée. http://www.atoute.org/n/article166.html. Dominique DUPAGNE est médecin généraliste, consultant permanent auprès la société VIDAL en tant qu’expert en NTIC Santé.

[23] Selon D. DUPAGNE, « la médecine se meurt de déshumanisation ». Ainsi, « l’hôpital est devenu une machine à broyer les êtres ».

[24] A. CLERGEOT, La télémédecine et les nostalgies de la médecine à l’ancienne…, La santé dans la cité, 28 oct. 2010. Alain CLERGEOT est docteur en médecine, il est créateur et Président de Chugai Pharma France. Il est également Vice-président et co-fondateur du Leem Biotech, membre du Comité d’Evaluation de Paris-Biotech et membre du Comité éthique, économique et social du nouveau Haut Conseil des biotechnologies.

[25] A. CLERGEOT, op.cit.

Télémédecine