I- Un mouvement général de restructuration impulsé par la loi HPST

3. L’étude de ce mouvement général en faveur des restructurations, nécessite que l’on s’attache préalablement à définir le terme « polysémique » de restructuration. Cette notion, souvent délaissée dans le milieu de la santé au profit du vocable plus neutre de recomposition, peut en effet revêtir des significations diverses qu’il convient d’analyser. Une définition juridique des termes (A) nous permettra ainsi de mieux appréhender les différents dispositifs de coopérations mis en œuvre par la loi HPST (B).

A- Définition juridique des restructurations

4. Au regard des multiples études menées sur le sujet, on constate que l’hôpital a plutôt tendance à préférer le terme de recomposition hospitalière à celui de restructuration, émanant davantage du monde industriel. Les chercheurs de l’IRES , ainsi que la DHOS , font d’ailleurs explicitement référence à cette notion de recomposition.

Monsieur Philippe MOSSE et Madame Catherine PARADEISE ont analysé ce glissement de terminologie de restructuration vers recomposition, comme « la transition d’une conception dans laquelle l’hôpital était perçue comme une bureaucratie professionnelle, vers une conception non stabilisée dans laquelle l’hôpital est vue comme une organisation éclatée, confrontée à la fois à l’industrialisation croissante et au consumérisme naissant ». Par euphémisme, le terme de recomposition serait donc préféré à celui de restructuration .

5. Cette difficulté quant au choix de la terminologie s’explique certainement par le caractère « protéiforme » de la notion de restructuration. En effet, ce terme peut renvoyer à trois significations différentes. Tout d’abord, il peut évoquer « une mutation de grande ampleur ». Dans ce sens, la restructuration hospitalière pourra être qualifiée de notion dite « fourre-tout » regroupant toute forme de bouleversement subi par les établissements.

6. Par ailleurs, d’un point de vue juridique, le terme restructuration renvoie à « une transformation profonde de la structure juridique d’une entreprise ». Dans ce sens, certains auteurs considèrent que « la restructuration paraît irréductible à tout cantonnement strict ». Dès lors, il serait plus aisé de dresser une liste non limitative des techniques juridiques de restructuration que d’en donner une définition précise.

La notion de restructuration n’est d’ailleurs pas définie par le code du travail. La jurisprudence sociale privilégie le terme de « réorganisation », en tant que motif justifiant un licenciement économique. La chambre sociale de la cour de cassation a ainsi considéré que la réorganisation source de licenciement devait être mise en œuvre « dans l’intérêt de l’entreprise », avant d’exiger qu’elle ne soit nécessairement destinée à « sauvegarder la compétitivité » de celle-ci.

7. Enfin, le terme restructuration peut renvoyer à une « transformation interne de l’organisation ». Cette définition est proche de celle donnée par le dictionnaire LAROUSSE, qui vise « l’action de réorganiser quelque chose selon de nouveaux principes, avec de nouvelles structures ».

8. Somme toute, dans le secteur de la santé, l’IGAS défini la restructuration hospitalière comme « l’effort d’une entreprise pour s’adapter aux évolutions de son environnement par la modification de son organisation, de ses procédures ou de ses activités ». Ce phénomène pourra ainsi être à l’origine de fermetures de services, de conversions de structures de courts séjours en longs séjours, de fusions entre établissements publics ou entre établissements publics et privés, ou de coopérations. Ces restructurations s’inscrivent dans un contexte général d’évolution de l’offre de soins, s’adaptant aux évolutions démographiques, aux nouvelles technologies, mais également aux difficultés budgétaires des établissements.

9. Précisons que le secteur hospitalier a connu un vaste mouvement de restructuration depuis près de 15 ans. En effet, de 1995 à 2005 on a pu dénombrer près de 1200 recompositions hospitalières en France. Durant cette période près de 60 % des établissements de médecine, chirurgie, obstétrique, (MCO) ont été confrontés à des recompositions hospitalières . Par ailleurs, ces dernières touchent davantage le secteur privé lucratif , que le secteur privé non lucratif et public.

10. Une étude réalisée par le laboratoire de recherche, « La Nouvelle Fabrique des Territoires », répertorie six formes de restructurations hospitalières touchant aussi bien le secteur privé commercial, privé lucratif que public. Il s’agit des « fermetures de services, conversions de services, extensions d’activité de court séjour, fusions d’établissements, coopérations entre établissements, regroupements de structures sur site unique ». De manière globale, la coopération entre établissements de santé constitue l’outil de prédilection à l’origine des restructurations. Plus spécifiquement, la fusion entre établissements représente la forme la plus pratique de mise en œuvre des restructurations.

Elle consiste en « la réunion dans une même entité juridique de plusieurs statuts antérieurement autonomes ». Il pourra s’agir soit de l’absorption d’un établissement par un autre, soit de la création d’un nouvel établissement. Le code du travail mentionne cependant différentes formes d’opérations de restructurations source de transfert de contrat de travail . Il S’agit des successions, cessions partielles ou totales, fusions, ou scissions à l’occasion d’une création de filiale ou de reprise d’activité. La jurisprudence quant à elle, fait notamment référence à la création de groupements types GCS ou GCSMS.

B- Les dispositifs de coopération mis en œuvre par la loi HPST

11. Ce mouvement général de coopération s’est développé à travers diverses réformes hospitalières telles que la loi du 31 décembre 1970, la loi hospitalière de 1991, l’ordonnance Juppé, ou les lois de 2002. Toutefois, c’est bien la loi HPST qui a réellement impulsé cette démarche de coopération entre établissements, en créant de nouveaux outils parmi lesquels on retrouve les communautés hospitalières de territoire ou les groupements de coopération sanitaire.

En effet, si la loi HPST a supprimé les cliniques ouvertes, les communautés d’établissements de santé et les syndicats interhospitaliers , elle a en revanche consacré le GCS établissement de santé en tant qu’outil de coopération organique, et la CHT en tant qu’outil de coopération fonctionnel.

12. La loi HPST a donc mis un terme au dispositif des cliniques ouvertes, qui autorisait les centres hospitaliers autres que les centres hospitaliers régionaux à créer des structures d’hospitalisation médicale dans lesquelles des médecins, des spécialistes ou des sages-femmes libéraux, n’exerçant pas leur activité à titre exclusif dans l’établissement, pouvaient dispenser des soins aux malades, blessés et femmes enceintes qui s’adressaient à eux.

13. Afin d’accroître le temps médical, l’hôpital public a toutefois la possibilité de conclure des contrats avec les médecins libéraux. Avant la loi HPST, ces derniers concluaient des contrats d’association au service public fondé sur l’article L.6112-4 alinéa 1 du code de santé publique, et facilitant « une utilisation optimale d’un bloc opératoire de l’hôpital sous utilisé ». Avec ce dispositif, le patient fait partie de la clientèle du médecin libéral, et de ce fait continue à lui verser des honoraires. La loi HPST a cependant instauré un nouveau type de contrat de collaboration permettant la participation de médecins libéraux à l’hôpital public.

Loi HPST

Dorénavant, sur le fondement de L.6146-2 « le directeur d’un établissement public de santé peut, sur proposition du chef de pôle, après avis du président de la commission médicale d’établissement, admettre des médecins, sages-femmes et odontologistes exerçant à titre libéral, […] à participer à l’exercice des missions de service public mentionnées à l’article L. 6112-1 attribuées à cet établissement ainsi qu’aux activités de soins de l’établissement ». Ce type de contrat institué par la loi HPST autorise donc un chef d’établissement à admettre des médecins, sages-femmes et odontologistes à participer aux missions de service public.

Ainsi, les médecins concernés sont rémunérés à l’acte, et les actes ne sont plus rémunérés par le patient, mais par l’hôpital lui-même. Le patient devient donc usager de l’hôpital et du service public.

14. Par ailleurs, la loi HPST a créé la CHT, qui constitue un nouvel outil de coopération conventionnel permettant aux « établissements publics de santé de conclure une convention de Communauté Hospitalière de Territoire afin de mettre en œuvre une stratégie commune et gérer en commun certaines fonctions et activités, grâce à des délégations ou des transferts de compétences entre établissements et grâce à la télémédecine ». Dans une logique de meilleure répartition de l’offre de soin, la CHT a pour objet de développer la complémentarité entre des hôpitaux de proximité et des plateaux techniques plus perfectionnés.

15. Elle a également consacré le GCS, qui constitue l’outil privilégié de coopération entre établissements. Dans un contexte de vieillissement de la population, induisant une augmentation des prises en charges gériatriques et des maladies chroniques, le GCS va favoriser la conversion de l’offre de court séjour, vers des soins de plus longue durée ou des soins de suite et de réadaptation (SSR).

La loi distingue désormais les GCS de moyen et les GCS établissements titulaires d’une ou plusieurs autorisations d’activités de soins. Ces nouveaux modes de coopération s’inscrivent dans le prolongement des outils de coopération usuels tels que le GCSMS, le GIE ou le GIP, dont les dispositions restent inchangées.

16. Ces dispositifs de coopération mis en œuvre par la loi HPST, sont le fait de diverses composantes qu’il convient d’analyser afin de compléter notre étude relative aux restructurations frappant le champ de la santé (II).