Le versement de la rémunération dans le cadre du contrat d’exercice libéral

Le mode de rémunération actuel des médecins, est l’une des causes principales de la désaffection pour l’exercice libéral qui touche l’ensemble du corps médical, et plus particulièrement les médecins généralistes dans les déserts médicaux. En effet, dans le cadre du contrat d’exercice libéral, le professionnel de santé doit verser une redevance à l’établissement médico-social en contrepartie des moyens mis à sa disposition. Le médecin quant à lui percevra de la part de l’usager un paiement à l’acte. Cependant, afin de renforcer l’attrait pour la médecine, tout en conciliant les exigences d’amélioration des soins et de limites des dépenses de santé, il est nécessaire d’envisager d’autres modes de rémunération, plus responsable et plus valorisant pour le praticien.

Le versement d’une redevance

Le versement de la redevance obéit à certaines règles fixées par la jurisprudence, qui considère que celle-ci ne doit être ni trop faible, ni excessive (1). La méthode de calcul relative à la redevance, a également fait l’objet d’un débat opposant le juge judiciaire au juge administratif (2).

Le principe de la redevance

Les redevances sont souvent l’objet de difficultés concernant les relations entre praticiens et établissements. En effet, l’établissement doit fournir au praticien ce qui est nécessaire à l’exercice de son art. Il doit donc assurer la mise à disposition de moyens techniques, matériels et humains nécessaires à la prise en charge.

La redevance est donc la contrepartie des prestations fournies par l’établissement au praticien pendant l’exécution de son contrat. D’un point de vue fiscal, la redevance est considérée comme un loyer versé en contrepartie de la mise à disposition de locaux équipés, du matériel et d’éléments incorporels. Cette dernière doit être juste, c’est-à-dire ni trop faible (a), ni trop excessive (b).

L’insuffisance de la redevance

Dans le cadre de  la faiblesse ou l’inexistence de la redevance, le juge judiciaire et le juge administratif n’ont pas la même analyse. En effet, dans un arrêt du 17 juin 1997[1], la Cour de Cassation précise clairement que la prestation attendue par le praticien est bien l’exercice de son art, et non le versement d’une redevance. En d’autres termes, la redevance n’est pas un élément essentiel du contrat d’exercice.

Le juge administratif a quant à lui une analyse très différente, dans la mesure où il considère que la gratuité  de la mise à disposition de moyens d’exercice constitue un acte anormal de gestion. En effet, dans un arrêt du 29 novembre 1982[2], la Conseil d’état considère, sur le fondement du droit fiscal, que le fait pour la clinique de mettre gratuitement à la disposition du professionnel, ses équipements, son matériel et son personnel, ne relève pas d’une gestion commerciale normale.

Par ailleurs, la Cour d’Appel de Limoges condamne l’absence ou l’insuffisance de redevance, dans un arrêt du 15 novembre 1993, où elle précise que la mise à disposition de services fournis par la clinique, sans contrepartie financière, serait pour le médecin un enrichissement sans cause.

L’excessivité de la redevance

Selon un arrêt de principe de l’Assemblée plénière de la Cour de Cassation, une redevance trop forte est contraire au principe d’ordre public posé par l’article L365 CSP qui interdit le partage d’honoraires entre un médecin et un tiers. Dès lors, les honoraires médicaux sont personnels et ne peuvent être partagés, ni avec un tiers, par exemple une clinique (compérage), ni avec un confrère (dichotomie).

Méthodes de calcul de la redevance

Il existe deux méthodes de calcul de la redevance. La méthode proportionnelle, selon laquelle l’établissement facture des prestations sur justifications des frais réels exposés. La méthode forfaitaire, quant à elle, permet à l’établissement d’évaluer la facture par pourcentage ou montant fixe.

Quel que soit le mode de calcul, la redevance doit toujours être calculée sur la base de frais réels justifiés. En effet, selon les recommandations du Comité de liaison et d’action de l’hospitalisation privée (CLAHP), la clinique devra fournir des justificatifs correspondants aux sommes dues par les praticiens           . Par ailleurs, en matière de preuve, selon l’article 1315 du Code civil « C’est à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver ». Toutefois, si le médecin estime que sa redevance est trop élevée, la charge de la preuve ne pèse plus sur la clinique, mais sur le praticien, c’est donc à lui qu’il appartient de démontrer qu’il n’y a pas de contrepartie effective au versement qu’il effectue[3].

La jurisprudence impose donc de déterminer si le coût correspond aux services rendus. Pour autant, il semble que le juge judiciaire  applique ce principe avec plus de rigueur (a) que le juge administratif, qui se montre plus permissif avec les structures hospitalières (b). 

La position du juge judiciaire

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation[4], la redevance, en tant que « rétrocession licite d’honoraires destinée à rémunérer des services rendus[5] », doit correspondre à la rétribution d’avantages effectivement octroyés, c’est-à-dire à des services réels.

Le juge judiciaire va donc vérifier l’existence effective du service, mais également l’exacte équivalence coût/service rendus.

La position du juge administratif

Le juge administratif a adopté une position, semble-t-il plus souple à l’égard des structures hospitalière, que celle retenue par le juge judiciaire. En effet, tout en rappelant le principe de l’adéquation entre le service rendu et la redevance prélevée, le Conseil d’Etat précise à propos des structures hospitalières[6]que « … si l’objet du paiement que l’administration peut réclamer à ce titre est en principe de couvrir les charges du service public, il n’en résulte pas nécessairement que le montant de la redevance ne puisse excéder le coût de la prestation fournie… ». En d’autres termes, selon le juge judiciaire, l’établissement public peut réclamer une redevance excédant le coût de la prestation fournie, et être calculée en pourcentage des honoraires perçus.

En effet, le respect de la règle d’équivalence entre le tarif d’une redevance et la valeur de la prestation ou du service peut être assuré non seulement en retenant le prix de revient de ce dernier, mais aussi en fonction des caractéristiques du service, en tenant compte de la valeur économique de la prestation pour son bénéficiaire.

Dans tous les cas, le tarif doit être établi selon des critères objectifs et rationnels, dans le respect du principe d’égalité entre les usagers du service public et les règles de la concurrence.

Cet arrêt permet donc de distinguer la notion de coût (prix) de revient des prestations fournies par la collectivité, de celle de tarification appliquée qui prend en compte les caractéristique du service et la valeur économique de la prestation pour son bénéficiaire.

Si le professionnel de santé libéral doit remplir ses obligations en termes de versement de la redevance auprès de l’établissement, il doit également pouvoir bénéficier d’un paiement de la part de ses patients, en contrepartie des soins prodigués (B).

Rémunération contrat libéral

[1] Cass.1re civ., 17 juin 1997, Bull.civ I, n°201, D 1997, p. 604.

[2] CE, 29 novembre 1982, n°33181, table du recueil Lebon.

[3] CA Versailles 13 septembre 2000.

[4]Cass. 1re civ., 20 mai 2003, Bull.civ. I, n°123.

[5]Cass. 1re civ., 20 octobre 1981, D.1982, I.R. p .272.

[6] CE, Ass., 16 juillet 2007 (Syndicat national de défense de l’exercice libéral le la médecine à l’hôpital et autre), req. n° 293229, recueil Lebon.