I- Une démarche stratégique conforme aux orientations du volet social du projet d’établissement

1. Il y a quelques années, certains auteurs constataient que « face aux évolutions de l’hôpital et du métier de médecin, les soins aux malades s’organisent de plus en plus comme des projets ». Si la loi du 31 décembre 1977 et le décret du 17 mai 1974 ont respectivement mis en place les notions de « plan directeur » et de « programme d’établissement », c’est bien la loi du 31 juillet 1991 qui a introduit la notion de démarche projet au sein des hôpitaux français.

Avant cette réforme, la démarche projet était totalement étrangère à la culture du monde de la santé . Dorénavant, le projet entendu comme, « un ensemble d’action à réaliser pour satisfaire un objectif défini, dans le cadre d’une mission précise, et pour la réalisation desquelles on a identifié non seulement un début, mais aussi une fin », est au cœur de toute politique sociale des établissements.

Dès lors, le projet d’établissement, et plus spécifiquement son volet social, constitue le point de jonction entre GPEC et stratégie au sein de l’établissement de santé. En effet, le volet social du projet d’établissement va permettre d’identifier la politique sociale des structures en matière notamment de compétences, de formations, VAE, de parcours professionnel ou d’amélioration des conditions de travail. Cette politique sociale va donc rassembler l’ensemble des problématiques relatives aux relations de travail et à la gestion des personnels.

2. D’un point de vue législatif, rappelons que la loi de 1991 a rendu obligatoire la réalisation d’un projet d’établissement dans les établissements publics et privés à but non lucratif. Le protocole du 14 mars 2000 signé entre le gouvernement et les organisations syndicales de la fonction publique hospitalière, précise également que la modernisation du service public hospitalier, « repose sur un projet social cohérent, établi au sein de chaque établissement, en s’appuyant sur une nouvelle dynamique de négociation interne ».

Le protocole prévoit donc l’intégration d’un projet social dans chaque projet d’établissement. Par ailleurs, la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 précise que le projet d’établissement comprend un projet social. Ce dernier porte notamment sur « la formation, l’amélioration des conditions de travail, la gestion prévisionnelle et prospective des emplois et des qualifications et la valorisation des acquis professionnels ». Il fait l’objet de négociation de la part de la direction et des organisations syndicales représentatives dans l’entreprise. Il est également soumis à l’avis du comité technique d’établissement.

3. Dans son guide méthodologique intitulé « Elaboration, négociation et suivi du projet social », la DHOS recommande d’orienter le projet social des établissements vers diverses thématiques susceptibles d’illustrer une démarche GPEC: « la modernisation des relations sociales », « la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et la validation des acquis professionnels », « l’approche qualitative et personnalisée de la gestion des ressources humaines », « la qualité et l’amélioration des conditions de vie au travail », enfin « la formation initiale et continue ».

En effet, lorsque l’on reprend l’une après l’autre, chacune des thématiques énoncées ci-dessus, il apparaît que chacune d’elles peut revêtir une place de choix au sein d’un accord GPEC.

4. Tout d’abord, la DHOS recommande de « moderniser les relations sociales » au sein des établissements de santé, en mettant en œuvre une véritable stratégie de communication, d’information et d’expression, tant auprès du personnel d’encadrement et des équipes, que des Institutions Représentatives du Personnel .

A ce titre, rappelons que la communication, et plus spécifiquement, l’information-consultation du comité d’entreprise sur la stratégie de l’entreprise, représente non seulement la garantie d’un dialogue social de qualité, mais surtout un gage de réussite de la démarche GPEC. Elle figure d’ailleurs parmi les thèmes obligatoires de négociation des accords GPEC.

5. Par ailleurs, « favoriser une approche qualitative et personnalisée de la gestion des ressources humaines », revient à promouvoir les notions de sécurisation et d’individualisation des parcours professionnels, thématique clé des accords GPEC. Dès lors, cette approche qualitative et personnalisée conduit nécessairement à valoriser les emplois et les compétences, par le jeu notamment du bilan de compétence, ainsi qu’a favoriser l’évolution professionnelle, par l’intermédiaire de la formation continue.

6. En outre, la « qualité et l’amélioration des conditions de vie au travail », représente un thème central du projet social, qui pourra faire l’objet d’un développement tout à fait pertinent au sein d’un accord GPEC, qui plus est dans le champ de la santé.

En effet, de nombreuses études mettent en exergue le lien entre qualité de vie au travail et sécurité des soins. Ainsi que l’affirme Monsieur André COMTE-SPONVILLE, le bonheur du salarié au travail constitue un moyen d’amélioration de la performance, et par conséquent de la qualité des soins en établissement de santé. Rappelons le, la démarche GPEC en santé n’a en définitive qu’un seul et même dessein : l’amélioration de la qualité des soins au patient.

Dès lors, il paraît tout à fait pertinent de ré articuler performance et santé au travail, non seulement dans le projet social, mais aussi et de manière plus ambitieuse, dans le cadre d’une démarche GPEC. Parmi les déterminants de la qualité de vie au travail, on distingue notamment l’accueil et l’intégration des professionnels nouvellement embauchés, par l’intermédiaire du livret d’accueil ou du parrainage. L’organisation du travail, et notamment la répartition des postes et des charges de travail, permettra également de garantir la qualité de vie au travail.

En effet, elle permet de mesurer les écarts entre les moyens humains et les ressources, tels que l’espace de travail et le matériel. En outre, la gestion du temps de travail participe de l’amélioration des conditions de travail, et représente ainsi un enjeu fondamental pour la démarche GPEC des établissements. Elle permettra non seulement d’anticiper les absences au travail, mais aussi de prévoir les remplacements des professionnels.

7. In fine, il n’est nul besoin de rappeler que la « formation continue », composante essentielle du projet social et très largement recommandée par la DHOS, représente un levier incontournable de toute démarche GPEC.

8. Au regard de ces éléments, on constate que le volet social du projet d’établissement tel qu’il est envisagé par la DHOS, fait directement référence aux thématiques de la démarche GPEC. Dès lors, le projet social apparait comme étant le socle politique, voire l’antichambre de la démarche GPEC en santé. En effet, il permet de définir la stratégie de l’établissement en termes de relations sociales. Corrélativement, c’est à partir de cette stratégie d’établissement, que se dessine la stratégie GPEC.

9. Dans l’absolu, pour réaliser une « bonne » démarche GPEC, il faudrait que les travaux réalisés dans le cadre du projet social soient repris dans le cadre de la GPEC. Il devrait donc y avoir nécessairement concordance entre projet social et GPEC. Afin d’être cohérente, la démarche doit donc suivre un fil conducteur.

Ce cheminement « linéaire », « logique », et « concordant », doit reprendre les orientations politiques de l’établissement, qui elles mêmes s’alignent sur les orientations de la tutelle.

10. En définitive, il paraît opportun de s’interroger sur la portée du projet social en termes de GPEC.

Dans la mesure où les grandes orientations politiques du projet social peuvent être reprises dans le cadre de la démarche GPEC, ne peut on pas considérer que le projet social constitue en réalité, un travail préparatoire indispensable à toute démarche GPEC ? Dès lors, le projet social de l’établissement ne pourrait-il pas être caractérisé de « projet GPEC » ou d’ « avant GPEC » ? Bien évidemment, il ne s’agirait en aucune manière d’un projet GPEC sur le plan technique, car rappelons le, les accords GPEC répondent à un canevas bien particulier.

En revanche, sur le plan stratégique et politique, le projet social constituerait bien la base, voire l’antichambre de tout raisonnement GPEC.

11. Au regard de ces éléments, l’élaboration du volet social constitue donc un préalable nécessaire à la mise en œuvre de cette démarche stratégique adaptée à la nature de l’institution.

Volet social