Le déroulement de la négociation

1. Le cheminement de toute démarche GPEC aboutissant à la conclusion d’un accord légal, doit nécessairement passer par une étape juridique majeure consistant pour l’établissement à faire le bon choix quant au niveau de négociation et quant aux interlocuteurs participant aux débats. En effet, ce choix ne peut en aucune manière laisser place au hasard, et repose sur des dispositions juridiques précises relatives aux règles de négociation d’un accord collectif, qui plus est obligatoire. L’établissement de santé de droit privé, de plus ou moins grande envergure, s’engageant dans le processus GPEC, devra ainsi faire preuve d’une grande sollicitude tout au long du parcours de négociation, afin que les conditions de négociation, les mesures conclues, et l’accord en lui-même, répondent aux exigences légales posées par le code du travail, et contrôlées par le juge de la négociation.

2. Le déroulement de la négociation sera ainsi jalonné d’étapes au cours desquels, la direction de l’établissement, pilote du projet GPEC, devra déterminer le champ de l’obligation de négocier, en identifiant non seulement le juste niveau de négociation, mais aussi la juste sélection des organisations syndicales participant aux débats. De part et d’autre, direction et partenaires sociaux devront donc s’assurer du respect des conditions de régularité de la négociation, en se conformant notamment aux exigences de loyauté, de légalité de l’accord, ainsi qu’aux conditions financières de mise en œuvre d’une démarche GPEC.

1- Le périmètre de l’obligation de négocier

3. En amont de toute négociation, l’établissement de santé tenu ou désireux d’initier une démarche GPEC devra délimiter le champ de ses obligations en termes de négociation. Ce premier travail consistant à déterminer la circonférence de l’obligation de négocier, permettra d’identifier le niveau de négociation, à savoir, l’entreprise ou la branche. Il autorisera par la suite l’employeur à initier la démarche, en invitant les partenaires sociaux, dits « les parties » à la table des négociations. Le niveau de négociation (I), ainsi que la détermination des parties à la négociation (II) constituent ainsi deux étapes préalables que devront mettre en œuvre les établissements de droit privé du champ sanitaire et médico-social.

I- Le niveau de négociation

4. La négociation relative à la GPEC peut être initiée tant au niveau de l’entreprise (A) que de la branche professionnelle (B). Les débats avec les partenaires sociaux pourront donc s’engager au niveau de l’entreprise en elle-même, des établissements qui la compose, ou au niveau du groupe. Par ailleurs, de manière plus large, un accord de branche pourrait inciter les entreprises de santé à négocier sur ce thème.

A- L’entreprise

5. L’obligation triennale de négocier la GPEC concerne les entreprises qui occupent au moins 300 salariés, les groupes d’entreprise d’au moins 300 salariés , ainsi que les entreprises et groupes de dimension communautaire comportant au moins un établissement ou une entreprise de 150 salariés en France . Le terme générique d’ « entreprise » désigne ici « toute institution employant du personnel et régie par le code du travail ». Il s’agit donc de tout établissement sanitaire ou médico-social de droit privé à but lucratif ou non lucratif, employant du personnel dans les conditions édictées par la législation du travail.

6. L’obligation de négocier doit être mise en œuvre, dès lors que l’ « entreprise », ou de manière plus appropriée au sujet, l’« entreprise de santé ou médico-social », atteint le seuil d’effectif de 300 salariés . Précisons que l’entreprise peut être composée d’établissements distincts . Dans cette hypothèse, il paraîtra plus stratégique d’engager la négociation au niveau de l’entreprise de santé, et non au niveau de chaque établissement distinct la composant éventuellement.

En effet, en pratique, les décisions se prennent majoritairement au niveau de l’entreprise ou du Comité Central d’Entreprise (CCE) . Il paraît donc opportun d’un point de vue stratégique de « mutualiser les efforts » et les réflexions relatives à la GPEC, et d’engager une négociation au niveau plus global de l’entreprise de santé, en laissant toutefois la possibilité aux partenaires sociaux d’intervenir sur certains points spécifiques au niveau de l’établissement, par l’intermédiaire d’accords d’établissements.

Obligation Triennale

7. Si l’obligation triennale de négocier doit être organisée dans toute entreprise de droit privé atteignant le seuil de 300 salariés, celle-ci revêt naturellement un caractère obligatoire dans les groupes d’entreprises occupant au moins 300 salariés. Dès lors que la somme des effectifs des entreprises du groupe atteint 300 salariés, les parties sont tenues d’engager une négociation relative à la GPEC. Dans l’hypothèse où plusieurs entreprises de santé font partis d’un groupe, les parties demeurent libres quant au choix du niveau de négociation.

Dans la majorité des cas, la négociation s’engage au niveau du groupe et vise ainsi toutes les entreprises la composant. Lorsque l’accord de groupe GPEC est conclu, alors, « par ricochet », les entreprises comprises dans le champ de l’accord de groupe sont réputées avoir satisfait à leur obligation de négociation . Certains auteurs considèrent ainsi que la négociation au niveau du groupe fait écho au principe de subsidiarité défini par l’Union Européenne, selon lequel la communauté agit lorsque les objectifs à atteindre peuvent être mieux réalisés à son niveau qu’au niveau des états membres.

Ainsi, les partenaires sociaux auraient d’avantage intérêt à initier la négociation au niveau plus vaste du groupe, offrant ainsi d’avantage d’opportunité aux salariés en termes de mobilité et d’évolution de carrière. Par ailleurs rappelons que dans l’hypothèse d’un licenciement économique les possibilités de reclassement doivent être recherchées au niveau du groupe et non au niveau de l’entreprise. De ce fait une partie de la doctrine considère ainsi que « le périmètre de la négociation de la GPEC devrait (…) être calqué sur celui du reclassement » et donc sur celui du groupe.

Article de droit

8. L’article L.2232-30 du code du travail offre toutefois la possibilité aux partenaires sociaux d’engager les négociations au niveau d’une partie des entreprises constituant le groupe. La négociation pourrait ainsi être initiée par activité. En définitive, « les négociateurs à la GPEC ont toute latitude pour fixer les champs d’application de l’accord qui peut ne pas couvrir l’ensemble des sociétés du groupe ».
9. Rappelons que l’accord de groupe est né, ou selon Monsieur le Professeur P.-H. ANTONMATTEI « mal né » en 2004, car consacré par « un seul article de loi trop imprécis et surtout insuffisant ».

A l’époque on s’est très vite interrogé sur le fait de savoir si le groupe constituait un niveau de négociation autonome. Selon la fiche n°5 de la circulaire du 22 septembre 2004, le nouvel article L. 132-19-1 « ne fait pas du groupe un nouveau niveau de négociation en tant que tel qui se situerait dans la hiérarchie des accords entre l’accord de branche et l’accord d’entreprise. Il se borne à définir les effets de l’accord de groupe en les assimilant à ceux de l’accord d’entreprise ».

Pour autant, concernant la GPEC, la négociation de groupe peut belle et bien se substituer à la négociation d’entreprise, car « si un accord de groupe est conclu sur les thèmes inclus dans le champ de la négociation triennale (…), les entreprises comprises dans le périmètre de l’accord de groupe sont réputées avoir satisfait aux obligations de négocier ».

La négociation de groupe repose donc sur un positionnement ambigu. Considérée par beaucoup comme un niveau de négociation non autonome, distinct du niveau d’entreprise , dans le cadre de la GPEC, le groupe est considéré comme « un niveau de négociation à part entière, au même titre que l’entreprise ou l’établissement ». Ainsi, entreprise, établissement, groupe ou encore Unité Economique et sociale (UES), constituent de véritables « collectivités de négociation », mettant en exergue « le concept de communauté de travail », et nécessitant la mise en œuvre d’une réglementation stricte quant à ses quatre lieux de négociation.

Champ de l’obligation triennale

10. Le champ de l’obligation triennale de négocier est donc assez large. Il vise non seulement les entreprises et les groupes d’au moins 300 salariés, mais aussi l’espace communautaire, en désignant les entreprises et groupes de dimension communautaire comportant un établissement ou une entreprise d’au moins 150 salariés en France.

Le Code du travail défini l’entreprise de dimension communautaire comme « l’entreprise ou l’organisme qui emploie au moins 1000 salariés dans les Etats membres de la Communauté européenne ou de l’Espace économique européen et qui comporte au moins un établissement employant au moins 150 salariés dans au moins deux de ces Etats ».

Le groupe d’entreprise de dimension communautaire quant à lui, est défini comme, « le groupe au sens de l’article L.2331-1, satisfaisant aux conditions d’effectifs et d’activité mentionnées à l’article L.2341-1 et comportant au moins une entreprise employant 150 salariés et plus dans au moins deux de ces Etats ». Dans le cadre d’une entreprise de santé communautaire, l’obligation triennale de négocier va donc concerner toute entreprise ou établissement situé en France, dès lors que l’une de ses sociétés comporte au moins 150 salariés.

A titre d’exemple, si une entreprise communautaire dont le siège est situé à l’étranger, dispose en France de deux entreprises atteignant respectivement 160 et 80 salariés, l’obligation triennale devra être appliquée aux deux sociétés. La négociation pourra ainsi être engagée, soit au niveau des deux entreprises, soit au niveau de chaque entreprise. De même, si les sociétés de l’entreprise communautaire forment un groupe, la négociation pourra avoir lieu, tant au niveau du groupe, qu’au niveau de chaque société.

B- La branche

11. Précisons que l’obligation triennale de négocier s’applique également au niveau de la branche professionnelle. La négociation triennale sur la GPEC doit donc également être mise en œuvre dans les entreprises de moins de 300 salariés, dès lors qu’une convention ou qu’un accord de branche a été conclu à ce sujet. Un accord d’entreprise adaptant l’accord de branche à la typologie de sa structure, peut donc être conclu en instaurant des dispositions plus favorables, ou le cas échéant, moins favorables, dans l’hypothèse où l’accord de branche ne l’interdit pas expressément . Par ailleurs, l’accord de groupe ne pourra déroger aux dispositions conventionnelles de branche, à moins que ce dernier ne l’ai expressément prévu .
12. Dès lors qu’elle aura déterminé son juste niveau de négociation, l’entreprise de santé devra s’attacher à déterminer les parties qu’elle souhaite inviter à la table des négociations (II).

GPEC déroulement de la négociation