Les changements dans l’environnement législatif et économique

  1. Le contexte normatif aussi bien en droit du travail, qu’en droit de la santé devra nécessairement être pris en compte et valorisé à l’occasion de l’élaboration d’une démarche GPEC. En effet, bien au-delà de la loi BORLOO instituant l’obligation triennale de négocier, l’ensemble des réformes imposant un suivi de la formation professionnelle et un développement de la qualité, constitueront des mesures décisives dans la gestion de l’emploi. Par ailleurs, l’environnement économique axé sur une réduction des coûts de santé devra nécessairement être pris en compte, pour concourir à l’élaboration d’une politique de gestion des hommes plus efficiente. Les changements dans l’environnement législatif (I) et économique (II) feront donc l’objet d’études successives.

Les changements dans l’environnement législatif

  1. Afin d’initier une démarche GPEC, l’établissement devra nécessairement intégrer l’ensemble des mesures législatives relatives tant au droit du travail, qu’au droit de la santé. Il est donc opportun d’analyser l’impact de ces réformes, ayant trait non seulement au droit de la formation professionnelle et au dialogue social (A), mais également au développement de la qualité (B).

 

En termes de formation professionnelle et de dialogue social

  1. Disposer des ressources humaines nécessaires en quantité et qualité à un instant « T », est devenu une véritable nécessité pour l’établissement de santé tenu d’établir une concordance entre les ressources et l’emploi. Plus qu’une obligation légale, l’anticipation des besoins au regard de la stratégie et des facteurs d’évolution de l’emploi et des compétences permet de répondre aux enjeux du secteur, confronté à un contexte législatif favorable à la mise en œuvre d’un véritable droit à la formation du professionnel, antichambre de la sécurisation des parcours professionnels. En effet, la gestion prévisionnelle des compétences doit être envisagée au regard de l’obligation d’adaptation du professionnel à l’évolution de son poste de travail.
  1. Ainsi que nous l’avons précisé, « l’employeur tenu d’exécuter de bonne foi le contrat a le devoir d’assurer l’adaptation des salariés à l’évolution de leur emploi[1]». Cette obligation d’adaptation par des actions de formation a été consacrée par la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social[2], ainsi que par le décret du 21 août 2008 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des agents de la fonction publique hospitalière[3], instituant un Droit Individuel à la Formation (DIF) pour tout salarié ou agent titulaire d’une ancienneté d’au moins un an dans l’entreprise ou l’établissement. Chaque année, le salarié ou l’agent bénéficiera ainsi d’un Droit Individuel à la Formation de 20 heures cumulables dans la limite de 120 heures[4].
  1. Afin de conférer une véritable portée à ce droit à la formation, il est nécessaire d’ « établir un lien entre GPEC et DIF[5]». Ce dernier ne peut être appréhendé comme une simple mesure de consommation de formation. Pour lui donner une trajectoire, il est nécessaire d’établir une filiation entre l’approche collective de la GPEC et la problématique individuelle du salarié, c’est-à-dire entre les demandes de formation et les évolutions de l’emploi. Les projets individuels étant intimement liés à ceux de l’entreprise, il faut considérer que DIF et GPEC sont unis par un « lien naturel », permettant de faire « décoller » le DIF dans « le cœur des salariés[6] ».
  1. Depuis 1992, les obligations de l’employeur en matière de formation professionnelle ce sont étoffées. De la simple affirmation par les juges d’une obligation de formation inscrite au sein du Code du travail, le droit de la formation a progressivement basculé vers une obligation de gestion des compétences et de l’évolution professionnelle du salarié. Dorénavant, les juges font référence non seulement à l’obligation d’adaptation du salarié à l’évolution de son poste de travail, mais aussi au maintien de sa capacité à occuper un emploi.
  1. Dans l’arrêt du 23 octobre 2007, Union des opticiens c/ Soulies et Autres[7], la Cour de cassation établit un « découplage[8]» entre l’obligation d’adaptation au poste de travail et l’obligation de veiller au maintien de la capacité des salariés à occuper un emploi. Elle reconnaît ainsi l’existence de deux préjudices, assortis de deux indemnités, pour non-respect de l’obligation d’adaptation mais aussi et surtout pour non-respect d’une obligation générale de formation. Dans cette affaire, deux salariés ayant respectivement 12 et 24 ans d’ancienneté avaient été licenciés pour motif économique en 2001, alors même qu’ils n’avaient bénéficié que de 3 jours de formation en 1999. La cour de cassation a considéré que l’insuffisance de formation constituait un manquement de l’employeur dans l’exécution du contrat de travail entraînant un préjudice distinct de celui résultant de sa rupture. En d’autres termes, la cour considère que les salariés ont la possibilité de cumuler l’indemnité de rupture du contrat fondée sur le défaut de cause réelle et sérieuse et l’indemnité pour réparation du préjudice causé par l’incapacité de leur employeur de maintenir leur « employabilité ». De ce fait, l’entreprise qui remet des salariés sur le marché du travail sans les avoir formés préalablement et conformément à l’évolution de ce marché, commet une faute entraînant réparation du préjudice.
  1. Cette décision de la cour de cassation a par ailleurs été confortée à plusieurs reprises, et notamment dans deux arrêts du 2 mars 2010 et du 28 septembre 2011[9], dans lesquels les juges affirment que « l’employeur a l’obligation d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, (…) cette obligation existe quand bien même la carrière du salarié ou l’emploi qu’il occupe dans l’entreprise ne devraient pas connaître d’évolution prévisible ». La mise en œuvre de la GPEC au sein des établissements de santé devra donc s’adapter aux enjeux du secteur et notamment aux enjeux législatifs en considérant l’ensemble de ces jurisprudences associant, d’une part, la formation à une obligation contractuelle de l’employeur, et, d’autre part, intégrant tous les salariés de l’entreprise ou de l’établissement quel que soit l’emploi occupé, à cette démarche de gestion des compétences et de formation.
  2. L’Accord National Interprofessionnel du 7 janvier 2009 sur le développement de la formation[10], concrétisé par la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, met en exergue son objectif de sécurisation des parcours professionnels[11], tant pour les salariés en situation d’emploi stable, que pour ceux en situation d’emploi précaire ou fragilisés en raison d’un faible niveau de qualification. Plus qu’une simple réforme, elle contribue très largement à « l’intégration de la formation professionnelle dans le droit de l’emploi au sens large[12]» et démontre « à quel point la formation est liée aux problématiques de la GPEC dans l’entreprise ». En effet, de manière analogue à la GPEC, le droit de la formation professionnelle répond à un certain nombre d’acronymes bien particuliers : OPCA[13], OPACIF[14], DIF[15], CIF[16], VAE[17], FPSPP[18], ou CNEFP[19], autant d’acronymes démontrant certes sa complexité de mise en œuvre, mais révélant avant tout, l’intérêt du législateur pour la notion de sécurisation des parcours professionnels, « notion omniprésente[20] » dans l’Accord National Interprofessionnel de 2009. Cette notion de sécurisation des parcours professionnels, considérée comme « fondamentale[21] » par les partenaires sociaux, a pour visée « de permettre à chaque salarié de progresser d’au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle ou d’obtenir une nouvelle qualification dans le cadre d’une reconversion[22] ».
  1. Lors de la mise en œuvre d’une démarche GPEC, l’établissement de santé n’aura donc d’autres choix que de tenir compte du contexte législatif et de répondre notamment aux obligations du secteur en matière de droit à la formation.
  1. Si l’environnement normatif actuel impose à l’employeur d’établir une véritable gestion prévisionnelle des formations professionnelles, tant en lien avec les besoins internes de l’entreprise, qu’avec les exigences du marché extérieur, d’autres réformes induisent nécessairement de la part de l’employeur, une réflexion globale et prévisionnelle de gestion des ressources humaines portant sur l’emploi des séniors, la résorption des écarts entre les hommes et les femmes, mais aussi la prévention de la pénibilité de ces personnels.
  1. En effet, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009[23]impose aux entreprises employant au moins 50 salariés d’élaborer des mesures en faveur de l’emploi des salariés âgés, par le biais d’un accord d’entreprise ou d’un plan d’action dit « plan séniors ». Tout l’enjeu de cette réforme réside bien évidemment dans la nécessité de renforcer le taux d’emploi des séniors en déclin ces dernières années en France, de maintenir leur emploi, mais surtout de promouvoir une meilleure transmission des savoirs et des compétences entre professionnels, à l’occasion de la phase de transition entre le travail et la retraite. Dans le cadre de l’article 87[24] de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009, un accord sur l’emploi des séniors dans la branche sanitaire et médico-sociale privée, a été conclu le 16 octobre 2009 entre la Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHP) à but lucratif et quatre syndicats[25]. Concernant les établissements adhérant à la Fédération des établissements Hospitaliers et d’aide à la personne, privés non lucratifs (FEHAP), l’accord de branche a fait l’objet d’une opposition d’au moins trois organisations syndicales non signataires. L’accord étant réputé non écrit, les établissements adhérents comptant de 50 à 300 salariés, ont l’obligation de conclure un accord d’entreprise ou d’établir un plan d’action. Précisons, en revanche, que cette gestion de l’emploi des séniors initiée par la loi de financement de la Sécurité sociale, ne s’applique pas aux établissements publics mentionnés à l’article 2 de la loi 86-33 du 9 janvier 1986[26].

  1. Afin de lutter contre les inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes, la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites[27], impose également aux entreprises d’au moins 50 salariés de conclure un accord ou d’élaborer un plan d’action[28], à compter du 1er janvier 2012, en matière d’égalité hommes/femmes, le non-respect de cette obligation étant assorti d’une pénalité financière de 1% des rémunérations. Cette nouvelle obligation législative, incite donc nécessairement l’employeur à considérer de manière prévisionnelle l’égalité entre les hommes et les femmes. En effet, dans la Fonction Publique Hospitalière, un rapport rédigé par Madame la député Françoise GUEGOT, sur l’égalité professionnelle hommes-femmes dans les trois fonctions publiques, révèle certaines « inégalités ». Si la Fonction Publique Hospitalière demeure la plus féminisée avec 55.1% des femmes parmi ses cadres, cette féminisation dissimule « d’importantes disparités ». Ainsi, « les femmes représentent 53% des chefs d’établissement membres du corps des directeurs d’établissement sanitaire, social et médico-social, alors qu’elles ne sont que 16% parmi les chefs d’établissement membres du corps des directeurs d’hôpital ». « 3 postes de directeurs de CHU sur 32 sont donc occupés par des femmes[29] ».
  1. Cette préoccupation égalitaire entre les hommes et les femmes n’est d’ailleurs pas nouvelle, et a déjà conduit à l’élaboration de la loi dite GENISSON du 9 mai 2001[30], qui institue une obligation de négocier sur l’égalité professionnelle hommes-femmes au niveau de l’entreprise et des branches. Cette loi, avec le décret du 3 mai 2002, est à l’origine de mesures permettant aux membres des jurys et comités de sélection dans la fonction publique d’être choisis en respectant une proportion minimale de chacun des sexes.
  1. In fine, la loi portant réforme des retraites introduit également pour les entreprises d’au moins 50 salariés, employant une proportion minimale de 50% de salariés exposés aux facteurs de risques de pénibilité[31], une obligation de conclure un accord ou d’élaborer un plan d’action en faveur de la prévention de la pénibilité[32].
  1. Afin de remplir l’ensemble de ces obligations législatives, et ce, dans les délais impartis, beaucoup d’employeur envisagent d’élaborer « un accord unique égalité, pénibilité, séniors, GPEC[33]». Cette volonté d’élaborer un accord traitant simultanément la séniorité, l’égalité, la pénibilité et la GPEC, démontre à quel point ces obligations de négocier ciblées sur certaines catégories du personnel, impliquent nécessairement d’être intégrées à une démarche globale de GPEC.
  1. Si les réformes législatives propres au droit du travail impactent le fonctionnement des établissements de santé, les évolutions récentes relatives au droit de la santé devront également prises en considération à l’occasion de l’élaboration d’une démarche GPEC.

En termes de développement de la qualité

  1. Institué par la loi HPST, « le développement professionnel continu (DPC) a pour objectifs l’évaluation des pratiques professionnelles (EPP), le perfectionnement des connaissances, l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins ainsi que la prise en compte des priorités de santé publique et de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Il constitue une obligation pour les médecins[34]».

  1. Dès lors, l’évaluation des pratiques professionnelles ainsi que la Formation Médicale Continue (FMC) font partie intégrante d’un seul et unique mécanisme ayant pour seul dessein : l’amélioration de la qualité du système de santé, finalité principale de toute démarche GPEC. C’est donc dans ce contexte normatif, ayant pour préoccupation et vocation, la qualité des soins, que les démarches GPEC doivent être considérées. Le développement professionnel continu, rendu obligatoire pour tous les médecins et praticiens hospitaliers non médecins des établissements de santé publics ou privés participant au service public hospitalier, transcende donc très largement un simple droit à la formation professionnelle, et doit être envisagé sous le versant progressiste du développement de la qualité et de la sécurité des soins.
  1. Pour bien comprendre l’enjeu de l’intégration du développement professionnel continu au sein d’une démarche GPEC, un bref rappel des notions de formation médicale continue et d’évaluation des pratiques professionnelles s’impose. Initialement ces deux notions constituaient deux obligations individuelles et « cumulatives »[35], obéissant à deux régimes juridiques distincts. En effet, conformément à l’article 11 du Code de. déontologie[36], « tout médecin doit entretenir et perfectionner ses connaissances, il doit prendre toutes dispositions nécessaires pour participer à des actions de formation continue. Tout médecin participe à l’évaluation des pratiques professionnelles ».
  1. De simple « devoir professionnel » d’entretenir et de perfectionner ses connaissances[37], consacré par l’ordonnance du 24 avril 1996[38], la formation médicale continue est devenue une véritable « obligation juridique[39]», affirmée par la loi du 4 mars 2002[40]. Cette dernière définit la formation médicale continue comme ayant « pour objectif l’entretien et le perfectionnement des connaissances, y compris dans le domaine des droits de la personne ainsi que l’amélioration de la prise en charge des priorités de santé publique ». La notion de « droits de la personne », mise en lumière à l’occasion des débats parlementaires en 2002, apparaissait ainsi comme une notion légitimant l’obligation de formation médicale continue. Madame Catherine GENISSON[41] mentionnera d’ailleurs à ce sujet, que « ce projet  affirme le droit du malade face à des professionnels formés non seulement aux techniques, mais à la connaissance de tout l’être humain, qui n’est pas une somme d’organes pouvant se dérégler[42] ».
  1. Reprécisée par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique[43], la notion de formation médicale continue a évolué progressivement « d’une logique de contrôle à une logique plus incitative »[44]. A cette occasion, Monsieur Jean-François MATTEI précisera que « les médecins perçoivent très bien la nécessité où ils sont de se former pour continuer à délivrer les soins de meilleure qualité, et ils souscrivent de manière responsable à cette obligation. Une démarche incitative et conventionnelle est plus efficace qu’une démarche répressive[45]».
  1. La loi du 13 août 2004[46], quant à elle, instituera une obligation complémentaire d’ évaluation des pratiques professionnelles, définie comme ayant « pour but l’amélioration continue de la qualité des soins et du service rendu aux patients par le praticien. Elle vise à promouvoir la qualité, la sécurité, l’efficacité et l’efficience des soins et de la prévention et plus généralement de la santé publique dans le respect des règles déontologiques. Elle consiste en l’analyse des pratiques professionnelles en référence à des recommandations et selon une méthode élaborée ou validée par la HAS et inclut la mise en œuvre et le suivi d’amélioration des pratiques. L’évaluation des pratiques professionnelles avec le perfectionnement des connaissances, fait partie intégrante de la FMC[47]». Cette loi s’inscrit dans une logique d’ « évaluation sanctionnante », le non-respect par le médecin de cette obligation complémentaire étant assorti de sanctions disciplinaires[48]. Paradoxalement, la Haute Autorité de Santé, qui définit les modalités de mise en œuvre de l’évaluation, a donné une nouvelle trajectoire à l’ évaluation des pratiques professionnelles en privilégiant l’« évaluation formative[49] » qu’elle oppose à l’évaluation « sanctionnante ».
  1. Si formation médicale continue et évaluation des pratiques professionnelles répondaient à des modalités de mise en œuvre distinctes, « cette séparation apparaissait comme étant largement artificielle[50]». En effet, en évoluant vers une « évaluation formative », l’évaluation des pratiques professionnelles se rapprochait, de par sa finalité, du dispositif de formation médicale continue. Par ailleurs, les textes et notamment le décret du 14 avril 2005, indiquaient très clairement que l’évaluation des pratiques professionnelles faisait partie intégrante de la formation médicale continue. Les deux dispositifs étant complémentaires, il paraissait tout à fait logique de les unifier dans une notion commune de développement professionnel continu, indiquant que les médecins ne sont pas soumis à une « obligation de moyen », mais qu’ils sont tenus d’ « entretenir leur connaissances », de « perfectionner leur savoir-faire », et d’ « améliorer leur savoir-être ». Les textes concernant la formation médicale continue et l’évaluation des pratiques professionnelles sont donc remplacés par ceux relatifs au développement professionnel continu. Ce dispositif a pour objectif la qualité du service médical rendu au patient, désignant « des soins sûrs, conformes aux données acquises de la science, adaptés aux aspirations des patients et efficients[51] ».
  1. La démarche GPEC initiée par tout établissement de santé, devra donc nécessairement intégrer ces réformes législatives successives relatives à la formation continue et au développement professionnel continu des professionnels médicaux et paramédicaux. Cependant, ce cheminement de formation prévisionnelle devra également tenir compte du fait que les établissements privés ont l’obligation de financer la formation professionnelle de tous les salariés de l’entreprise[52], qu’ils soient classifiés dans la catégorie des personnels médicaux et paramédicaux, ou dans celle des personnels administratifs, logistiques ou éducatifs. Pour autant, si le dispositif de développement professionnel continu est obligatoire pour le personnel médical et paramédical, il demeure financé par la même enveloppe budgétaire que celle de la formation professionnelle visée par le Code du travail. La réforme mise en œuvre par la loi HPST pourrait donc avoir pour effet pervers « d’assécher les fonds de la formation professionnelle » au bénéfice d’une partie des salariés, et au détriment des personnels non médicaux. Ainsi que nous l’avons développé précédemment, cet effet est totalement contraire à l’esprit de l’art. L.6111-1 Code du travail, qui précise la nécessité pour chaque personne, indépendamment de son statut, d’acquérir et d’actualiser des connaissances et des compétences favorisant son évolution professionnelle, ainsi que de progresser d’au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle. Assurément, les démarches GPEC initiées par les établissements sanitaires et médico-sociaux devront donc articuler droit de la santé et droit du travail, en structurant au mieux l’obligation de développement professionnel continu et l’obligation de formation professionnelle organisée par la législation du travail.
  1. Par ailleurs, une autre complexité de mise en œuvre de la loi HPST peut être soulignée. Celle-ci précise que les commissions scientifiques indépendantes des professionnels de santé, ont pour mission de proposer au ministre de la santé, des orientations nationales de développement professionnel continu. A cette occasion, les ARS ont la faculté de compléter ces orientations en tenant compte des spécificités régionales. Les textes ne permettent donc pas aux établissements de définir eux- mêmes les orientations de développement professionnel continu de leur propre personnel. Ces mesures ne paraissent pas judicieuses au regard, notamment, des nombreux impératifs des établissements sanitaires et médico-sociaux, en matière de GPEC, mais aussi d’évaluation interne et externe de la qualité, ou de gestion des risques. En effet, les établissements devraient pouvoir être en mesure de définir eux-mêmes leurs propres axes de formation, en fonction de leurs besoins et de leurs projets stratégiques.

  1. Conscients de l’ensemble de ces contraintes, la Croix-Rouge française, la FHP, la Fédération Nationale des Centres de Lutte Contre le Cancer, ainsi que la FEHAP, ont adressé le 31 mai 2010, un courrier à Madame la ministre de la santé et des sports, Roselyne BACHELOT-NARQUIN, pour dénoncer les difficultés soulevées par les projets de décrets relatifs au financement du développement professionnel continu et à la détermination, au niveau national, des grandes orientations du développement professionnel continu. Les décrets du 30 décembre 2011[53] ne permettent cependant pas de modifier les mesures annoncées, et confirment les inquiétudes annoncées par les établissements sanitaires et médico-sociaux privés.
  1. Si l’établissement doit faire face aux mutations de l’environnement juridique, il doit également affronter les restrictions budgétaires du champ de la santé.

[1] Cass. Soc. 25 février 1992, société Expovit c/ Dehaynain, Bull. V, n° 122

[2] Loi n°2004-391 du 4 mai 2004, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.

[3] Loi n°2008-824 du 21 août 2008 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie des agents de la fonction publique hospitalière.

[4] Notons que ce droit à la formation déclenché à l’initiative du salarié ou de l’agent se calcule prorata temporis pour les temps partiels.

[5] Suite à une étude relative aux rapports entre la GPEC et le DIF, Monsieur Gérald LEFEVRE, président du Groupement des Acteurs et Responsables de la Formation (GARF), considère qu’il existe un lien naturel entre ces deux dispositifs. Une bonne articulation avec la GPEC permettrait au DIF de « décoller » dans le cœur des salariés, ignorant généralement tout du contenu de ce dispositif. .

Différents rapports du GARF ont été réalisés à ce sujet : Rapport clé pour l’emploi et la compétitivité de Gérard LARCHER sur la formation professionnelle ; Sécurisation des parcours professionnels – Etude du GARF, oct. 2010 ; Développement de la GPEC : Enjeux pour la formation, .

[6] G. LEFEVRE, op. cit.

[7] Cass. Soc., 23 oct. 2007, n°06-40. 950, n°2190 FS-P+B, Synd. Professionnel UDO c/ Soulies et a. Commentaire Bernadette LARDY-PELISSIER, Dr. Ouvrier – Mai 2008 pp. 296-298.

Cet arrêt, publié au bulletin des arrêts de la cour de cassation, présente un intérêt particulier dans la mesure où sa mise en œuvre laisse présager des conséquences non négligeables sur l’interprétation de l’article L.1233-4 §1 du Code du. travail relatif au licenciement économique, où la distinction entre obligation d’adaptation au poste de travail et obligation de veiller au maintien de la capacité des salariés à occuper un emploi devrait être effectué. La logique distinguant les deux obligations, pourrait donc à terme être appliquée par les juges à l’article L.1233-4 du Code du travail qui précise que « le licenciement économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés ».

[8] Ce « découplage » fait aujourd’hui l’objet de 2 alinéas distincts dans l’article L.6321-1 du Code du. travail : « L’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. »

[9] Cass. soc. 2 mars 2010, n° 09-40914, 09-40915, 09-40916, 09-40917. Jurisprudences confirmées par une décision de la cour de cassation du 5 oct. 2011.

[10] ANI du 7 janvier 2009 sur le développement de la formation, la professionnalisation et la sécurisation des parcours professionnels.

[11] Loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie (JO 25 novembre). Conseil constitutionnel 19 nov., n° 2009-592 DC. Liaisons sociales quotidien, 17 déc. 2009, n°256/2009, LSQ n°15507.

[12] S. DOUGADOS, S. PELICIER-LOEVENBRUCK, Formation professionnelle, les nouveaux enjeux à l’heure de la flexicurité, Semaine sociale Lamy, n°1387, 16 fév. 2009, p 3.

[13] L’OPCA est un organisme chargé de collecter des fonds pour financer les formations professionnelles en entreprise. Il existe plusieurs OPCA en France. Ces organismes crées par les partenaires sociaux, agrées par l’état, collecte et gère les contributions « professionnalisation » et « plan de formation ». La loi du 24 novembre 2009 élargit les missions des OPCA, ainsi que leurs critères d’agrément, ce qui devrait entraîner une diminution de leur nombre.

[14] Les OPACIF collectent les fonds dédiés  au Congé Individuel de Formation. Les OPACIF financent également tous les congés rattachés à l’individu, comme le congé de bilan de compétences ou de VAE.

[15] Dans la lignée de l’Accord National Interprofessionnel du 7 janvier 2009, la loi sur la formation professionnelle du 24 nov. 2009 précise les modalités de portabilité du DIF. Ce dernier pourra ainsi être mobilisé entre deux contrats de travail, c’est-à-dire, soit pendant une période d’indemnisation chômage, soit auprès d’un nouvel employeur dans les 2 ans suivants son embauche. Précédemment, le code du travail prévoyait un système de transférabilité du DIF, qui permettait au salarié licencié ou démissionnaire de bénéficier de ses heures de DIF, pendant l’exécution du préavis et en l’absence de faute grave.

[16] Le Congé Individuel de Formation est le droit à autorisation d’absence accordée à un salarié afin de suivre une formation, ceci, même si le salarié n’obtient aucune prise en charge financière pour ce congé.

[17] La VAE est un dispositif permettant aux salariés, demandeurs d’emploi, d’obtenir un titre professionnel, par la reconnaissance des acquis obtenus tout au long de leur activité professionnelle.

[18] Le Fond Paritaire  de Sécurisation des Parcours Professionnels, destiné notamment à favoriser la formation des salariés par les moins qualifiés et les demandeurs d’emploi, remplace et élargi les missions du Fond Unique de Péréquation (FUP).

[19] Mis en œuvre par la loi du 24 novembre 2009, le conseil national d’évaluation de la formation professionnelle a pour objet d’évaluer la qualité de la formation professionnelle, ainsi que ses effets sur les salariés bénéficiaires de formations.

[20] S. DOUGADOS, S. PELICIER-LOEVENBRUCK, op.cit.

[21] La sécurisation des parcours professionnels, Semaine sociale Lamy, Suppl., n°1348, 7 avr. 2008.

[22] Accord National Interprofessionnel du 7 janvier 2009 sur le développement de la formation, la professionnalisation et la sécurisation des parcours professionnels.

[23] Loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009. JORF n°0294 du 18 décembre 2008 page 19291.Légis. Soc.- Sécu., financ.- n°06/2009 du 9 janv. 2009. Art. 87. Cette loi impose aux entreprises d’établir au plus tard pour le 1er avril 2010, un accord d’entreprise ou un plan d’action, sous peine de recevoir une pénalité financière correspondant à 1% des rémunérations ou gains entrant dans l’assiette des cotisations de Sécurité sociale versées aux travailleurs salariés et assimilés. A l’origine les entreprises devaient conclure un accord ou un plan d’action avant le 31 déc. 2009. Cependant, une circulaire interministérielle datée du 14 déc. 2009, précise que les entreprises non couvertes par un accord de branche, dispose d’un délai supplémentaire de 3 mois, à compter du 1er janv. 2010. Le délai pour conclure a donc été reporté au 1er avril 2010. Circulaire interministérielle n°DSS/5B/5C/2009/374 du 14 déc. 2009. L’accord ou le plan conclu pour une durée maximale de 3 ans, doit répondre aux exigences de l’art. L.138-25 du Code de Sécurité sociale.

[24] Art. L.138-24 du Code de Sécurité sociale « Les entreprises, y compris les établissements publics, mentionnées aux articles L.2211-1 et L.2233-1 du code du travail employant au moins cinquante salariés ou appartenant à un groupe au sens de l’article L. 2331-1 du même code dont l’effectif comprend au moins cinquante salariés sont soumises à une pénalité à la charge de l’employeur lorsqu’elles ne sont pas couvertes par un accord ou un plan d’action relatif à l’emploi des salariés âgés ».

[25] Dans la branche sanitaire et médico-sociale privée, un accord a été signé le 16 oct. 2009 entre la FHP et la CFDT, CFTC, CFE-CGC et FO.

[26] Loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière. « 1° Etablissements publics de santé ; 2° Hospices publics ; 3° Maisons de retraite publiques, à l’exclusion de celles qui sont rattachées au bureau d’aide sociale de Paris ; 4° Etablissements publics ou à caractère public relevant des services départementaux de l’aide sociale à l’enfance et maisons d’enfants à caractère social ; 5° Etablissements publics ou à caractère public pour mineurs ou adultes handicapés ou inadaptés, à l’exception des établissements nationaux et des établissements d’enseignement ou d’éducation surveillée ; 6° Centres d’hébergement et de réadaptation sociale, publics ou à caractère public, mentionnés à l’article L. 345-1 du code de l’action sociale et des familles ; 7° Centre d’accueil et de soins hospitaliers de Nanterre. Le présent titre ne s’applique pas aux médecins, odontologistes et pharmaciens mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 6152-1 du code de la santé publique ».

[27] Art. 9 de la loi n°2010-1330 du 9 nov. 2010 portant réforme des retraites, JO du 10 nov. 2010. Décret  n° 2011-822 du 7 juillet 2011, JO du 9 juil. 2011. Circulaire du ministère du travail du 28 oct. 2011, relatif au champ et aux conditions d’application de la pénalité financière en matière d’égalité hommes/femmes. Voir également la note de synthèse n°47, nov. 2011, du Conseil d’Analyse Stratégique (CAS), en faveur d’un meilleur équilibre vie familiale-vie professionnelle. Enfin, l’Observatoire sur la Responsabilité Sociétale des Entreprises (ORSE), a créé un portail relatif aux pratiques d’égalité professionnelle : www.egaliteprofessionnelle.org.

[28] Outre cette obligation, l’employeur est tenu d’engager tous les ans, dans le cadre de la Négociation Annuelle Obligatoire (NAO), une négociation portant sur les objectifs d’égalité entre les hommes et les femmes dans l’entreprise, compte tenu du rapport de situation comparée hommes/femmes remis au CE, conformément à l’art. L.2323-57 c. travail.

[29] F. GUEGOT, L’égalité professionnelle hommes-femmes dans la fonction publique. DF : 5RO26040. www.ladocumentationfrançaise.fr. Paris 2011.

[30] Loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

[31] Art. D. 138-26 du Code de Sécurité Sociale

[32] Art. 77 de la loi n°2010-1330 portant réforme des retraites. Décret n°2011-823 et n°2011-824 du 7 juillet 2011, JO du 9juil. 2011. Circulaire DGT n°08 du 28 oct. 2011.

[33] S. NIEL, Accord unique égalité, pénibilité, sénior, GPEC. Les cahiers du DRH, n°181, nov. 2011.

[34] L.4133-1 du Code de Santé publique.

[35] IGAS. Rapport RM 2008, 124P, Formation médicale continue et évaluation des pratiques professionnelles des médecins. Ce rapport établi par Pierre-Louis BRAS et par le Docteur Gille DUHAMEL en nov. 2008 a pour objectif d’analyser l’organisation juridique, administrative et financière des dispositifs de FMC et d’EPP. Il a également pour visée d’établir des propositions de simplification, voire d’unification de ces dispositifs.

[36] Décret n°95-1000 de sept. 1995.

[37] Art. L.367-2 c. santé pub.

[38] Ordonnance n°96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins, art. 3-I.

[39]La FMC qui était un « devoir professionnel » a progressivement évolué, pour finalement devenir une « obligation au sens juridique du terme », consacrée dans le Code de santé publique. au Chapitre III, du Titre III « Profession de médecin », du Livre Ier « Professions médicales ». N. MAGGI-GERMAIN, P. CAILLAUD, Rapport de recherche, Les évolutions du cadre juridique du droit de la formation professionnelle continue : un changement de paradigme ?, nov. 2006. Pour l’appel d’offre de la DARES, « Le droit et l’effectivité de droit à la formation professionnelle continue ». halshs-00403783, version 1-13 Juil. 2009. http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00403783.

[40] Loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Art. 59.

[41] Députée socialiste de la santé, Madame C. GUENISSON est membre de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

[42] Projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé, AN, débats, 3ème séance du mardi 2 oct. 2001. N. MAGGI-GERMAIN et P. CAILLAUD, op. cit.

[43] Loi n°2004-806 du 9 août 2004, relative à la politique de santé publique. Art. 98.

[44] D. LAURENT, Rapport sur la formation médicale continue des médecins libéraux, Rapport au ministre de la santé, nov. 2002, 43 p., p.20. La notion de FMC a évolué progressivement « d’une logique de contrôle à une logique plus incitative », en supprimant la possibilité de sanctionner disciplinairement le médecin qui n’aurait pas satisfait à son obligation de formation continue.

[45] Compte rendu n°55, 10 sept. 2003. Intervention de J-F MATTEI, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, devant la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

[46] Loi n°2004-810 du 13 août 2004, art. 14, art. L.4133-1-4 du Code de santé publique.

[47] Décret du 14 avril 2005. P-L. BRAS et Dr G. DUHAMEL, op. cit.

[48] Art. L.4133-1-1 du Code de santé publique.

[49] La HAS distingue « évaluation sanctionnante » et « évaluation formative ». Selon P-L. BRAS et G. DUHAMEL, l’ « évaluation sanctionnante » fait référence au sens commun du terme évaluation, c’est-à-dire, à « l’appréciation portée par un tiers se traduisant par la détermination d’une note, d’un prix, d’un certificat de conformité, que l’on peut avec une connotation négative appeler sanction ». L’évaluation « formative », quant à elle, fait d’avantage référence à la notion d’auto-évaluation.

[50] IGAS, P-L. BRAS et G. DUHAMEL, op. cit.

[51] IGAS, P-L. BRAS et G. DUHAMEL, op. cit.

[52] Art. L.6331-1 c. travail.

[53] Décret n° 2011-2116 du 30 décembre 2011 relatif au développement professionnel continu des médecins. JO, 1er janv. 2012. «Art. R. 4133-9. Les actions de développement professionnel continu des médecins salariés du secteur privé sont financées dans les conditions prévues par l’article L. 6331-1 du code du travail ».

Décret n° 2012-26 du 9 janvier 2012 relatif à la commission scientifique indépendante des médecins. Art. D. 4133-16. « La commission scientifique indépendante des médecins, mentionnée à l’article L. 4133-2, a pour mission de : 1- Formuler un avis sur les orientations nationales de développement professionnel continu au ministre chargé de la santé qui les arrête après information de l’organisme gestionnaire du développement professionnel continu […] 4- Formuler un avis sur les orientations régionales proposées par les agences régionales de santé en matière de développement professionnel continu ».