A- Analyse prévisionnelle des effectifs

1. Après avoir procédé à l’analyse de l’existant, l’établissement doit pouvoir se lancer dans une démarche plus concrète de gestion prévisionnelle des effectifs. Cette étape sera l’occasion d’anticiper l’évolution des effectifs au moyen d’une analyse des flux entrants et sortants, des pyramides des âges ou des tableaux de départs en retraite. Il s’agit donc de définir les besoins futurs de l’établissement, à partir des effectifs actuels et de la projection des flux entrants et sortants.

2. Afin de permettre à l’établissement d’anticiper l’évolution de ses effectifs, la DHOS a publié un « guide méthodologique d’élaboration d’un outil de simulation des effectifs par métier ». La méthode consiste tout d’abord à déterminer « l’évolution probable » des effectifs sur une période de 3 à 10 ans, en se basant sur l’historique de l’évolution des effectifs de l’établissement. Il s’agira ensuite de confronter l’évolution probable des effectifs avec les besoins par métier de l’établissement. Cette appréciation des besoins devra intégrer la stratégie de l’établissement en termes de restructurations, coopérations, ouvertures ou fermetures de services.

3. Conformément aux recommandations de la DHOS, il convient de déterminer « le métier sur lequel va porter la simulation ». Il peut notamment s’agir de métiers dits « sensibles », « critiques » ou « émergents ». Les auteurs considèrent comme métiers sensibles, « tout métier dont la nature, le positionnement ou les effectifs connaîtront de fortes évolutions à court et moyen termes se traduisant par un effet d’attractivité ou de répulsion vis-à-vis des métiers considérés ».

Ils pointent cinq critères d’identification des métiers sensibles. Il s’agit des « métiers dont le contenu doit évoluer ». Ceux « dont les effectifs seront réduits ». Les « métiers clés pour le développement des activités ». Les « métiers à contenu pauvre ou à risque de pénibilité élevé ». Enfin, les « métiers comportant des tâches qui seront percutées du fait de l’évolution du contenu d’autres métiers ».

Place des intervenants

4. A ce titre, il convient notamment de s’intéresser aux places respectives des masseurs-kinésithérapeutes, et des intervenants en activité physique adaptée, susceptibles de se rencontrer au sein des EHPAD et services de soins de suite et de réadaptation (SSR). En effet, les intervenants en activité physique adaptée sont des spécialistes de l’activité physique et sportive adaptée à des personnes ayant un handicap physique, sensoriel, mental ou social.

A l’inverse des masseurs-kinésithérapeutes dont les effectifs sont en déficits, ils peinent souvent à trouver un emploi. Par ailleurs, dans le cadre de leur activité, ils sont amenés à s’approprier certaines techniques des kinésithérapeutes. Dès lors, « la nature ayant horreur du vide, le transfert de tâche s’opère naturellement ». La frontière entre glissements de tâches et exercice illégal devient alors très ténue.

5. Les masseurs-kinésithérapeutes, sont des spécialistes centrés sur la réadaptation, bénéficiant d’un monopole de massage ayant fait l’objet de nombreux contentieux et débats doctrinaux tenant à l’interprétation des articles du Code de santé publique. En effet, l’ancien article L.487 du Code de santé publique a d’abord précisé de manière très explicite que « Nul ne peut exercer le massage et la gymnastique médicale s’il n’est titulaire du diplôme d’état de masseur kinésithérapeute (…) ».

Pour autant, ce monopole a semblé être remis en cause par la nouvelle formulation de l’article L.4321-1, qui rappelle que « La profession de masseur-kinésithérapeute consiste à pratiquer habituellement le massage et la gymnastique médicale (…) ». Ce texte introduit par la loi du 15 juin 2000 a donc semé le trouble dans les esprits quant au maintien ou non du monopole de massage.

Afin de mettre un terme aux débats, le Conseil d’Etat est venu confirmer dans une décision du 29 décembre 2000 , la compétence exclusive du massage, thérapeutique ou non, aux seuls masseurs-kinésithérapeutes Diplômés d’Etat. Il a ainsi été précisé que « Aux termes du premier alinéa de l’article L. 4321-1 du code de la santé publique issu de l’ordonnance du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de la santé publique : « La profession de masseur-kinésithérapeute consiste à pratiquer habituellement le massage et la gymnastique médicale ».

Ces dispositions se sont substituées à l’article L. 487 du même code aux termes desquels »(…) nul ne peut exercer la profession de masseur-kinésithérapeute, c’est-à-dire pratiquer le massage et la gymnastique médicale, s’il n’est muni du diplôme d’Etat de masseur-kinésithérapeute et inscrit au tableau de l’ordre (…) ».

Le changement ainsi introduit dans la définition de la profession de masseur-kinésithérapeute, dont la rédaction est inspirée de celles retenues pour d’autres professions paramédicales relevant de définitions similaires avant la codification, n’a ni pour objet ni pour effet de modifier l’état du droit relatif aux conditions d’exercice de la profession et à la répression de son exercice illégal ».

6. Au regard de ces dispositions, les intervenants en activité physique adaptée ne peuvent donc pratiquer aucun acte de rééducation ou de gymnastique médicale, sous peine d’être sanctionnés par l’article L.4323-4 du Code de santé publique , au titre de l’exercice illégal de la profession de masseurs-kinésithérapeute.

7. Le Conseil National de l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes, conscient de cette problématique, s’est d’ailleurs positionné en rappelant que quelques soient les difficultés de recrutement des masseurs-kinésithérapeutes, il ne peut tolérer aucune pratique conduisant à l’exercice illégal de la profession, au sein d’établissements de santé, eux-mêmes garants de la qualité optimale des soins . L’étude prévisionnelle des métiers devra donc intégrer ces données quant aux compétences respectives des deux professions.

8. Par ailleurs, « l’étude prospective des métiers sensibles de la fonction publique hospitalière » recense 10 métiers et groupes métiers considérés comme sensibles : aide-soignant, aide médico-psychologique, auxiliaire de puériculture , groupe infirmier ; manipulateur en électroradiologie médicale, cadre de santé de proximité et cadre de santé de pôle, cadre administratif de pôle, secrétaire médicale, technicien d’information médicale, acheteur, contrôleur de gestion et responsable de système d’information. En fonction de la nature de l’activité et de la stratégie de l’établissement, ces métiers pourront donc faire l’objet d’une analyse prévisionnelle des effectifs.

9. Il est également pertinent d’orienter la simulation sur les métiers émergents. Lors de sa démarche « métiers-compétences 2012 », l’ARHIF a relevé huit métiers considérés comme émergents en Ile-de-France. Il s’agit des métiers de contrôleur de gestion, directeur coordinateur des investissements hospitaliers, infirmière clinicienne experte, maître d’ouvrage de projet « système d’information », managers de lit, responsable de plateaux techniques, responsable de projets « promotion et diffusion de bonnes pratiques », et enfin technicien de traitement de l’information et de transfert de l’imagerie médicale.

10. Ce listing des métiers émergents doit toutefois être analysé avec prudence et relativité. Conformément à la pensée de PASCAL, « vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà », ces métiers nouveaux, aux contours incertains, varient en fonction de l’environnement dans lequel ils évoluent. En effet, dans la région Ile-de-France, la qualification de métier émergent tient compte de la taille des établissements de santé. Il est certain que d’autres régions d’avantage frappées par le vieillissement de la population et par la dépendance, auraient identifié d’autres métiers émergents, en lien avec la prise en charge des personnes âgées ou de l’hospitalisation à domicile.

11. Par ailleurs, notons que l’apparition de nouvelles exigences économiques, techniques et juridiques, conduisent les établissements à se doter de juristes, d’analystes financiers ou de contrôleurs de gestion. Dans son rapport relatif au transfert de compétence, Monsieur Yvon BERLAND identifie ainsi de nouveaux métiers du soin. Selon lui il serait souhaitable de créer un « métier d’infirmière clinicienne spécialiste », à l’instar des Infirmières de Bloc Opératoire Diplômées d’Etat ou des Infirmières Anesthésistes Diplômées d’Etat .

Ces infirmières participant notamment au suivi en consultation des maladies chroniques, pourraient exercer en gastro-entérologie, cardiologie, néphrologie, cancérologie, diabétologie ou en soins primaires . Le rapport met également en exergue le métier de diététicien de soins « tenu de prendre en charge sur prescription médicale des carences d’apport ou les apports inadaptés à une situation médicale ».

Il préconise également, la création d’un métier de « coordinateur du handicap » permettant de « coordonner l’encadrement polyvalent des personnes en situation de handicap », et de psychologues praticiens à l’instar des psychos-oncologues .

VAE

12. Par ailleurs, précisons que la simulation d’effectifs devra intégrer l’identification des flux d’entrée et de sortie sur un métier. La DHOS en identifie quinze . Les flux dits « incontournables » car fréquemment référencés, tels que la retraite, la maternité et la mutation. Les flux dits « accessoires » qui ne seront pris en considération qu’à partir d’un certain volume d’effectif. Parmi ceux-ci, on distingue la disponibilité, le détachement, le congé parental, le congé de formation professionnelle, la démission, l’étude promotionnelle, le décès, le congé longue maladie, le congé longue durée, le mi-temps thérapeutique, le temps partiel, et enfin la VAE.

13. Une attention particulière devra d’ailleurs être apportée au dispositif de la VAE, représentant aujourd’hui un véritable enjeu, tant pour les professionnels tels que les « faisant fonction », que pour les établissements de santé. En effet, les « faisant fonction », jouent souvent le rôle de « cadre de substitution », exerçant les fonctions d’encadrement sans en avoir la reconnaissance. Confronté à un déficit croissant de cadre de santé, l’hôpital à de plus en plus recours à ces professionnels dont le statut « bancal » ou « intermédiaire » permet de pallier au manque de cadres au sein des établissements.

En effet, la rémunération fondée sur le statut d’origine représente un argument de choix pour le directeur d’établissement permettant d’encadrer le personnel à moindre coût. Par ailleurs, on peut considérer que ce statut à mi-chemin entre soignant et cadre permet à la direction des soins d’avoir l’ascendant sur un professionnel dont le positionnement n’est pas réglementé.

Pour autant, la place de « faisant fonction » peut également se révéler comme étant une formidable opportunité pour l’infirmier soucieux d’évoluer et de réussir son concours d’entrée en institut de cadre de santé . Beaucoup d’établissements proposent d’accompagner les « faisant fonction » dans cette démarche de développement des compétences. L’AP-HP propose notamment la mise en place d’une procédure de professionnalisation ou d’accompagnement formalisée par la conclusion d’un contrat avec le « faisant fonction ».

Au terme de cet accord, la direction s’engage à accompagner le professionnel. En retour, ce dernier à l’obligation de se présenter au concours d’entrée de l’institut de formation de cadres de santé. Le contrat est conclu pour une durée déterminée de trois ans. Au cours de la première année, le professionnel est mis en situation. La deuxième année est consacrée à la préparation au concours, avec possibilité de le repasser en cas d’échec.

Au bout de deux échecs successifs, le « faisant fonction » est accompagné sur un autre poste ou réintégré en tant qu’infirmier. Cet exemple d’accompagnement assorti d’un dispositif de « double chance », illustre bien le caractère « gagnant-gagnant » du statut de « faisant fonction », tant pour l’établissement que pour le professionnel .

14. Pour autant, cette pratique laisse place à de nombreuses interrogations quant aux compétences nouvellement acquises. En effet, ces professionnels qualifiés de « succédanés » de cadres, exercent les attributions de cadres le plus souvent avec compétence, mais n’en n’ont pas le titre.

La compétence visée ici, est la compétence « réelle », « dans une situation professionnelle », telle que définit par Monsieur LE BOTERF. Dès lors, la VAE apparaît comme étant la solution pour ces professionnels, permettant de leur octroyer le titre, de valoriser le travail accompli et les compétences acquises .

Ainsi que certains professionnels le précisent, « les mêmes responsabilités, des problématiques amplifiées, nous apprenons sur le tas à être ce que nous ne sommes pas ! » Dès lors, il convient de s’interroger sur la responsabilité de ces agents exerçant officiellement, mais sans statut légal.

En dehors de toute formalisation contractuelle, il semble difficile de pouvoir leur opposer une quelconque faute d’encadrement. Afin de pallier à cette situation d’exécution d’une « fonction au statut non-officiel », il serait certainement judicieux que l’institut de formation des cadres de santé ouvre ses portes à ces professionnels expérimentés, via la VAE.

le cabinet de maître Mouillac-Delage intervient en droit du Travail, droit administratif sur la région.