Analyse prévisionnelle des ressources humaines

Analyse prévisionnelle des ressources humaines, ainsi que nous l’avons précédemment constaté, la stratégie GPEC répond à une logique linéaire. Guidée par des objectifs d’efficience et de qualité, elle émane d’une « analyse actuelle » des ressources humaines et converge vers une « analyse prévisionnelle » des effectifs et des compétences de l’établissement.

Dès lors, la méthodologie GPEC consiste à établir une projection des effectifs et des compétences de l’établissement, à partir d’un état des lieux des ressources humaines disponibles. La méthode oscille donc entre l’ « actuel » et le « prévisionnel », entre « ce qui est » et « ce qui est nécessaire » ou entre « ce qui fut » et « ce qui sera ».

Elle permet ainsi de dresser le bilan des ressources humaines disponibles aujourd’hui, afin de s’interroger sur les ressources nécessaires demain.

Ces divers questionnements permettront aux acteurs de la GPEC d’analyser le différentiel entre le prévisionnel et l’actuel, afin d’établir une politique de réduction des écarts mettant en jeu des stratégies en termes de recrutement, mobilité, ou formation.

A travers cette première section nous nous intéresserons donc à la méthodologie GPEC, telle qu’elle est notamment décrite par l’ARHIF dans sa démarche « métiers-compétences ». Nous présenterons cette méthode évoluant de l’analyse actuelle à l’analyse prévisionnelle des ressources humaines (§1), avant d’en détailler les particularités juridiques mises en œuvre au sein du plan d’action GPEC (§2).

§1- De l’analyse actuelle à l’analyse prévisionnelle des ressources humaines

La méthodologie GPEC doit permettre à l’établissement de procéder à l’analyse de l’existant (I), préalablement à l’analyse prévisionnelle des ressources humaines (II).

I- Analyse de l’existant

La première étape du processus consiste donc à identifier les ressources humaines disponibles, c’est-à-dire à discerner les effectifs (A) et les compétences (B) disponibles à l’instant « T » au sein de l’établissement.

A- Analyse « actuelle » des effectifs

Afin de dresser le bilan de « ce qui est disponible » en termes d’effectifs, les acteurs de la GPEC doivent porter leur réflexion sur les notions d’activité, de poste, et métier.

Cette étape sera l’occasion de lister les postes et métiers disponibles au sein de l’établissement et de rattacher chacun d’eux au répertoire des métiers de la fonction publique hospitalière. Concrètement, l’établissement devra produire un fichier recensant les effectifs, les métiers et les postes, auxquels seront rattachés chaque agent ou salarié.

La gestion actuelle des effectifs repose donc sur un travail de rattachement des effectifs de l’établissement au répertoire des métiers de la fonction publique hospitalière.

Le répertoire représente l’outil de prédilection de cette première étape d’identification des effectifs. Rappelons qu’il comprend 183 fiches fonctions, décrit 22 familles de métiers et 64 sous familles de métiers. Ainsi, la fiche métier d’une aide-soignante répertoriée dans la sous famille des soins, donne une définition du métier ainsi que des prérequis nécessaires à son exercice. Il rappelle les activités exercées par l’aide-soignant, ses savoir-faire et ses connaissances générales et détaillées.

La fiche métier fait également mention de quelques informations complémentaires relatives aux relations professionnelles les plus fréquentes, aux études préparant au métier et diplôme, aux proximités de métier ainsi qu’aux tendances d’évolution du métier. *

Afin d’inciter les établissements franciliens à se lancer dans une démarche d’analyse des ressources humaines, l’ARHIF propose une méthode de rattachement des effectifs au répertoire des métiers de la fonction publique hospitalière. Cette méthode de rattachement n’est qu’un exemple d’outils à disposition des établissements de santé. Elle ne doit pas rester figée et doit être adaptée au particularisme de chaque établissement, car « adopter c’est adapter ».

Création d’une feuille de recueil d’information

Elle repose sur la création d’une « feuille de recueil d’information » transmise dans un premier temps aux cadres, puis soumise in fine à la décision du DRH. Lors d’une première étape, les feuilles de recueil d’information passent entre les mains du cadre évaluateur dont la mission consiste à rattacher chaque professionnel au répertoire des métiers. Au regard de la fiche de poste et de la description des métiers et des activités décrites par l’agent au cours de l’entretien d’évaluation, le cadre propose un intitulé de métier et de spécificité du répertoire.

Cette tâche pourra s’avérer délicate lorsque le professionnel exerce des activités correspondant à plusieurs métiers. Dans ce cas, l’agent devrait être affecté au métier correspondant à l’activité la plus exercée. Ici, il est donc fait application de la règle « major pars trahit ad se minorem », « la part la plus grande attire à elle la moindre ».

De même, la détermination de la spécificité pourra être source de difficultés, car celle-ci ne doit être mentionnée que lorsque le professionnel exerce une spécificité à temps plein. A titre d’exemple, pour un professionnel exerçant le métier d’infirmier en soins généraux, la spécificité de stomathérapie ne pourra être indiquée que si le professionnel exerce cette spécificité à temps plein. Tous les professionnels n’ont donc pas de spécificité associée au métier.

Après avoir formulé un avis, le cadre transmet la feuille de recueil d’information au DRH. Ce dernier a pour mission de valider ou de repositionner le professionnel sur un autre métier. C’est donc à lui qu’appartient la décision finale de rattachement du métier au répertoire des métiers de la fonction publique hospitalière. Une fois ce travail de rattachement effectué, les données devront être transférées dans un fichier Excel ou dans un logiciel RH mentionnant les codes métiers et les spécificités lorsqu’elles existent.

Analyse prévisionnelle des ressources humaines

Afin de formaliser cette connaissance de la situation de l’emploi, Madame O. DERENNE et Monsieur A. LUCAS préconisent l’élaboration de « tableaux de bord par service ou pôle d’activité ». Ce type de tableau recense notamment l’emploi au sein du service, c’est-à-dire les métiers et les grades.

Il permet également de dresser le bilan de l’effectif « cible », c’est-à-dire convenus avec le service, et de l’effectif « rémunéré ». L’absentéisme du personnel , ainsi que son remplacement sont également recensés au sein du service. Enfin, le tableau de bord doit permettre d’identifier l’effectif « disponible », ainsi que les « écarts entre l’effectif rémunéré total et l’effectif cible ».

B- Analyse « actuelle » des compétences

Un travail semblable d’identification des compétences disponibles par métier sera également demandé aux cadres des établissements. Ces derniers devront s’attacher à connaitre les niveaux de compétence des salariés pour chaque métier.

Cette étape d’évaluation des compétences repose sur une procédure « classique », largement décrite par les experts de la GPEC. Son objectif est de permettre à l’établissement d’identifier le niveau de compétences des professionnels pour chaque métier. De manière très schématique, la procédure consiste tout d’abord à identifier les compétences par métier, à travers la description des activités et des savoir-faire mentionnés dans les fiches de postes et le répertoire des métiers.

Elle va ensuite exiger la mise en œuvre d’entretiens annuels d’évaluation des compétences. Ce travail préalable permettra de dégager un référentiel de compétences propre à chaque métier. L’établissement pourra ainsi établir des tableaux de bord synthétisant les niveaux de compétence des équipes. Un tel travail va permettre de pointer les compétences nécessaires ainsi que les experts présents dans l’établissement. A l’inverse, en cas de carence constatée, l’établissement devra s’interroger sur les besoins de formation de son personnel.

Analyse prévisionnelle des ressources humaines,

préalablement à tout travail d’analyse des compétences, les acteurs de la GPEC devront s’entendre sur le sens précis qu’ils souhaitent donner au terme de compétence, autrement dit, sur ce qu’il convient d’évaluer au cours des entretiens professionnels.
La notion de compétence est souvent perçue comme une « somme de savoirs, de savoir-faire et de savoir-être ». Ces trois notions sont souvent identifiées comme les « piliers » de la compétence.

En effet, le savoir permet de déterminer les connaissances nécessaires au métier. Le savoir-faire fait référence aux technicités et expériences du professionnel. Le savoir-être, quant à lui, renvoie à l’attitude et au comportement du professionnel dans le cadre de son travail. Pour autant, cette définition des compétences peut paraître réductrice, car elle ne permet pas de déterminer comment « une personne agit avec compétence dans une situation professionnelle ».

être compétent c’est savoir agir

En effet, selon Monsieur LE BOTERF, être compétent c’est « savoir agir », « savoir exécuter une opération prescrite », autrement dit c’est prendre des initiatives, savoir innover ou gérer des situations complexes . Savoir agir dans une situation de travail donnée, nécessite d’être en capacité de « mettre en œuvre des pratiques professionnelles », tout en mobilisant des « combinatoires de ressources » personnelles et environnementales . Savoir agir a donc pour objectif « la réalisation d’un résultat attendu », c’est-à-dire un service, « pour un destinataire », en l’occurrence l’usager ou le patient .

La compétence n’est donc pas un état. Il s’agit d’un « savoir agir » dépassant la seule qualification qui n’est qu’une présomption de compétence. Il ne faut pas l’envisager comme une simple connaissance. Avoir des connaissances techniques, scientifiques, ou un savoir-faire, ne signifie pas être compétent.

A titre d’exemple, ce n’est pas parce qu’un infirmier a des connaissances techniques relatives aux fonctions cardio-vasculaires, qu’il est en mesure de les mettre en œuvre au bon moment, dans une situation professionnelle. De même, de simples connaissances théoriques ne permettent pas à un médecin de poser un diagnostic. « Il n’y a de compétence, que de compétence en acte ». Elle ne peut se constater qu’à l’occasion d’une situation professionnelle. Elle nécessite une mobilisation des ressources de l’individu, c’est-à-dire ses connaissances, capacités cognitives ou relationnelles. La compétence induit donc un « savoir mobiliser ».

Notion de situation professionnelle

Dès lors, la notion de situation professionnelle se trouve au cœur de l’évaluation des compétences. Elle se définie comme une « activité prescrite à réaliser », à laquelle s’ajoute « des critères de réalisation souhaitable de cette activité ». Dans l’un de ses ouvrages, Monsieur Guy LE BOTERF propose d’analyser la situation professionnelle d’un infirmier exerçant à l’hôpital , afin de déterminer les critères d’appréciation de l’activité. Il démontre comment à partir d’un « combinatoire de ressources personnelles et externes », un infirmier va réaliser des « activités clés », afin d’obtenir un « résultat attendu ».

En effet, c’est bien à partir des ressources personnelles, telle que la connaissance des procédures et de l’organisation de l’hôpital, que l’infirmier va gérer et organiser les soins. L’exercice de cette activité va lui permettre d’obtenir un résultat attendu : la réalisation de soins en coopération avec les autres professionnels de santé, « sans rupture de la chaîne de soins ». Dans cet exemple, l’activité clé de l’infirmier est la gestion et l’organisation des soins. Le critère de réalisation souhaitable de l’activité est un critère de coopération. Les résultats attendus doivent donc être appréciés et évalués au regard de la coopération avec les professionnels de santé.

Au regard de ces éléments, il semble opportun de nous rallier à la définition des compétences donnée par cet auteur. « La compétence est la mobilisation ou l’activation de plusieurs savoirs, dans une situation et un contexte donné ». Parmi ces savoirs on distingue les « savoirs théoriques » qui impliquent de savoir comprendre ou interpréter. Les « savoirs procéduraux » qui permettent de s’interroger sur le comment procéder.

En outre, les « savoir-faire procéduraux » nécessitant de savoir procéder. Les « savoir-faire expérientiels » impliquant de savoir y faire. Les « savoir-faire sociaux » qui renvoient, quant à eux, au savoir se comporter.

Enfin, les « savoirs cognitifs » faisant référence au savoir raisonner ou savoir apprendre. Ceux sont bien tous ces éléments que les cadres de santé devront évaluer au cours des entretiens d’évaluation. En menant les évaluation, les cadres devront distinguer le fait d’être compétent, c’est-à-dire, « agir avec compétence », et la fait d’avoir des compétences, autrement dit « avoir des ressources pour agir avec compétence ». Agir avec compétence nécessitera de la part du professionnel « un savoir agir », « un pouvoir agir », ainsi qu’un « vouloir agir ».

Ce n’est qu’après avoir défini et identifié les niveaux de compétence des professionnels, que l’établissement pourra s’orienter vers l’analyse prévisionnelle des ressources humaines (II).

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