Articulation entre GPEC et restructuration dans le champ de la santé
1. Si de prime abord, GPEC et restructuration sont deux dispositifs distincts et autonomes, dans la réalité des faits, ces deux notions sont unies par un lien très étroit, à savoir la tutelle. En effet, la mise en œuvre d’une opération de restructuration ne pourra se réaliser sans l’aval de cette dernière.
Par ailleurs, mener une démarche GPEC ambitieuse, nécessite un accompagnement et un solide soutient des ARS. Dès lors, mener une démarche GPEC au cœur des restructurations induira inéluctablement une coopération avec l’administration, véritable point de jonction entre les deux notions.
Pour bien comprendre le contexte général dans lequel évoluent les établissements du champ sanitaire et médico-social, il convient de dresser le bilan des opérations de restructuration touchant le secteur (§1). Cette analyse nous permettra par la suite, de cerner le rôle de la tutelle, en tant que lien d’articulation entre les deux notions (§2).
I- Les facteurs de restructurations
2. Les facteurs de restructurations ou plus généralement de coopérations dans le champ sanitaire sont diverses. L’ANAP recense sept phénomènes justifiant les restructurations entre établissements : « La desserte du territoire de santé, l’organisation des soins, l’amélioration de la qualité des soins, la raréfaction des moyens humains, la permanence des soins, la mise en œuvre des textes réglementaires, ainsi que la recherche d’économie d’échelle ».
3. La desserte du territoire de santé recouvre l’ensemble des problématiques relatives à la démographie des professionnels de santé. En effet, les déficits en démographie médicale impactent particulièrement certaines disciplines et certaines régions, et sont à l’origine de restructurations. La desserte du territoire est en lien direct avec la notion de Permanence des Soins Hospitaliers (PDSH), véritable mission de service public érigée par la loi HPST.
La PDSH, à l’échelle territoriale, est ainsi mise en œuvre dans le cadre du SROS-PRS , et induit nécessairement la coopération entre établissements de santé. La question du maintien de la permanence des soins ambulatoires (PDSA) se pose également dans les zones rurales ou périurbaines . En effet, les territoires déficitaires en démographie médicale en raison du vieillissement et de l’augmentation du nombre de départs à la retraite des médecins généralistes, rendent difficile le maintien de la permanence des soins.
La charge de travail importante, l’augmentation du nombre d’astreintes et de gardes, ainsi que le facteur d’isolement, rendent ces zones rurales peu attractives pour les jeunes médecins, préférant de beaucoup les grandes villes et la proximité des CHU. Par ailleurs, l’aspiration de ces jeunes professionnels à une meilleure qualité de vie, la féminisation de la profession ainsi que la désaffection pour l’exercice libéral, ne facilite pas la permanence des soins. Enfin, la méconnaissance de la médecine ambulatoire par les jeunes généralistes ou les internes en médecine générale, renforce également cette problématique.
4. Par ailleurs, l’organisation des soins, autre facteur de coopération, nécessite une coordination de proximité ou la mise en œuvre d’un travail en réseau. La notion de « filière de soins », en tant que trajectoire de soins du patient, apparaît ainsi comme un élément déterminant de régulation de l’offre de soin.
5. La concentration de l’activité dans de plus grands centres hospitaliers constitue également un moyen permettant de parfaire la qualité des soins et notamment le parcours de soins du patient. Elle favorise donc l’amélioration des pratiques professionnelles ainsi qu’une gestion plus efficiente des services. En effet, selon une étude menée par Monsieur le professeur Guy VALLANCIEN, en 2006 on a pu constater que 113 hôpitaux publics effectuaient moins de 2000 actes opératoires par an.
De ce fait, selon lui, « la sous-production chirurgicale pose clairement la question du maintien des blocs opératoires où exercent trois chirurgiens ou moins qui assurent parfois moins de deux interventions par jour ». Selon lui, « la dispersion de chirurgiens dans ces petits centres hospitaliers est donc un gâchis, alors que les centres hospitaliers de référence pourraient les accueillir ».
6. La coopération, source de restructurations se développe ainsi dans un contexte de réforme législative et notamment de réforme de la biologie médicale. Ainsi que le rappelle Madame Roselyne BACHELOT-NARQUIN, lors de son discours d’ouverture de la deuxième journée nationale de la biologie le 13 février 2009, « la biologie médicale est un élément crucial du parcours de soins, déterminant pour le diagnostic et le suivi des pathologies ».
L’objectif de la réforme est d’ « assurer partout en France, une biologie médicale de qualité prouvée, payée à son juste prix ». Pour ce faire, la réforme a mis l’accent sur trois points fondamentaux orientés vers l’intérêt du patient : l’accréditation obligatoire, la médicalisation de la discipline ainsi que l’amélioration du maillage territorial. L’accréditation dont l’étymologie signifie « rendre digne de confiance » va ainsi permettre de garantir la qualité de l’offre de biologie médicale. En outre, la médicalisation de la discipline redonnera une place centrale au biologiste médical au cœur du parcours de soins du patient.
7. Enfin, la recherche d’économie d’échelle constitue généralement le premier facteur de restructuration, incitant les établissements à parfaire leur efficience, attractivité et performance. En principe une fusion devrait donc permettre aux établissements de réaliser des économies d’échelle, à savoir de baisser le coût de production unitaire d’un service tout en accroissant la quantité de sa production. La constitution d’un établissement de plus grande taille par fusion, permettrait ainsi d’accroître son attractivité, de créer un effet d’apprentissage entre professionnels et bien évidement de bénéficier de financement plus important.
Communément appelé « effet de taille », cet argument corrélant taille et performance, laisse sous-entendre que le gabarit de l’établissement aurait une influence sur la qualité des soins dispensés, par le jeu d’un « effet » dit « d’équipe » et « d’expérience » entre praticiens. Selon la même logique, l’ « effet de taille » impacterait la performance économique de l’établissement.
Pour autant, les études menées démontrent au contraire, qu’à partir d’un certain seuil, l’effet de taille produit des effets néfastes pour l’établissement, se caractérisant bien souvent par une augmentation des coûts unitaires, une diminution des performances et l’apparition de dysfonctionnements importants.
En définitive, la majorité des fusions serait un échec ou n’améliorerait pas la situation des établissements en difficultés. Ainsi, constituer un établissement de grande taille par le jeu de fusion ou de regroupement, ne présente pas que des avantages.
Non seulement ces établissements doivent faire face à des coûts proportionnels à leur taille , mais ils rencontrent également des difficultés d’intégration et de motivation du personnel rattaché à des « cultures d’entreprise » différentes. Selon certaines analyses, le « seuil optimal d’efficience pour un établissement de santé se situe entre 200 et 300 lits en court séjour ». Le phénomène contraire de « déséconomie d’échelle » commencerait à faire son apparition à partir d’un seuil situé entre 600 et 900 lits .
8. Le mouvement de coopération et notamment de regroupement ne conduit pas nécessairement à des résultats positifs en matière de fusion entre établissements. Ainsi que le rappelle l’IGAS, « beaucoup de projets de regroupement sont des échecs », liés à des facteurs structurels. En effet, un temps de trajet trop conséquent entre deux établissements, des bassins de vie trop différents, la dégradation financière d’un établissement participant à une fusion, l’absence d’interdépendance et de complémentarité d’activités, ou la fusion entre des établissements de tailles semblables, sont très souvent sources de difficultés.
9. Par ailleurs, l’implication managériale est essentielle pour garantir la qualité d’une fusion. Si le nouveau directeur de l’hôpital fusionné doit faire l’objet d’une légitimité incontestable, la fusion ne pourra fonctionner que si l’ensemble du personnel des établissements est soutenu et accompagné dans cette démarche. L’ARS aura ici un rôle primordial à jouer, en tant qu’acteur des restructurations et corrélativement en tant que soutien aux établissements dans cette démarche. Enfin l’absence de « fait générateur » telle qu’une situation financière altérée ou des difficultés de recrutement, sera très certainement à l’origine de l’échec d’une fusion.
10. En définitive, pour qu’un projet de regroupement fonctionne, il doit nécessairement être relié à un ou plusieurs « faits générateurs objectifs » et admis par tous. Le consensus de l’équipe de direction, ainsi que le soutien et l’accompagnement des tutelles demeurent la clé d’un regroupement ou d’une fusion réussie (§2).