Difficultés de recrutement dans le médico-social

Dans un secteur où la demande excède l’offre, les établissements médico-sociaux Aquitains sont confrontés à des difficultés de recrutement au sein d’une région où les professionnels de santé sont répartis de manière très inégale sur le territoire (I). Afin de renforcer leur attractivité, les établissements doivent donc utiliser des méthodes toujours plus innovantes pour attirer les bons candidats (II).

Les inégalités territoriales en Aquitaine

La région Aquitaine est l’une des plus vastes régions de France. Elle couvre plus de 41000 km2, et trois de ses cinq départements sont parmi les plus étendus en France (Gironde, Landes et Dordogne).

Depuis 2000, les effectifs des professionnels de santé ont augmentés de 25.5%, ce qui représente un taux de croissance annuel de 2.6%[1]. Ces résultats, pour le moins encourageants, doivent cependant être interprétés avec prudence, car le taux de croissance émane principalement des professions autres que médicales.

De nombreux établissements médico-sociaux sont actuellement confronté à des difficultés de recrutement concernant les  médecins généralistes, pédiatres, psychiatres, ou orthophonistes, visiblement peu intéressés par le travail en institution médico-sociale. Les difficultés de recrutement de ces professionnels de santé dans nos institutions s’expliquent principalement par la faible densité de médecins, notamment de spécialistes en Dordogne.

En effet, au 1er janvier 2009, 5495 médecins généralistes exercent en Aquitaine. Globalement, la région bénéficie d’une densité  de médecins généralistes supérieure à la moyenne nationale, avec 17.4 généralistes pour 10000 habitants. Cependant, la répartition des généralistes est très inégale sur le territoire Aquitain. Ainsi, des villes comme Bordeaux, Arès ou Bayonne ont une densité de médecins généralistes supérieure à la moyenne régionale. En revanche, les départements du Lot et Garonne et de la Dordogne apparaissent comme les moins dotés, et font partis des zones dites déficitaires ou fragiles.

En outre, on constate que le vieillissement de la population médicale est important pour certaines spécialités telles que la psychiatrie. La Dordogne se trouve ainsi parmi les départements les moins dotés avec une densité de psychiatres de seulement 1.4 pour 10000 habitants.

A l’horizon 2018, on pourrait s’attendre à des disparités régionales encore plus fortes, avec un vieillissement sensible du corps médical, ainsi qu’à une offre en médecins spécialistes en diminution dans la région.

Ces inégalités territoriales expliquent les difficultés auxquelles se confrontent les établissements médico-sociaux pour recruter des professionnels de santé sur une durée de travail parfois partielle et donc peu attractive.

Confrontée à un turn-over élevé concernant notamment des postes d’orthophonistes, à une pénurie de médecins généralistes et psychiatres, l’Association envisage de se tourner vers les professionnels exerçant en activité libérale ou d’avoir recours à des médecin retraités  intéressés par un cumul emploi-retraite[2].

Contrairement aux médecins, l’Association rencontre beaucoup moins de difficulté pour recruter du personnel infirmier. En effet, en Aquitaine, la densité d’infirmiers et supérieure à la densité nationale. D’ici quelques années, cette densité du personnel infirmier devrait d’ailleurs augmenter dans la région.

Pour faire face à ces difficultés de recrutement, les établissements médico-sociaux doivent nécessairement trouver des moyens pour renforcer leur attractivité (II).

Les moyens de renforcement de l’attractivité des établissements médico-sociaux

Attirer de bons candidats à l’emploi est une préoccupation majeure des établissements médico-sociaux, notamment lors du recrutement de professionnels de santé. Dans un contexte général de forte pénurie de candidats, les établissements redécouvrent la concurrence et n’hésitent pas à développer des méthodes de plus en plus innovantes pour attirer des candidats très sollicités.

Le dispositif d’intéressement aux résultats et aux performances de l’établissement constitue un moyen sérieux d’attractivité (A). Cependant, ces dernières années, on constate qu’un nouveau critère d’attractivité, favorisant l’équilibre entre vie privée et travail,  permet d’être déterminant lors des recrutements. Il s’agit du critère du plaisir au travail (B).

L’intéressement, comme moyen d’attractivité des établissements médico-sociaux

Dans le cadre d’une politique des ressources humaines dynamique, l’intéressement[3] constitue un moyen de renforcer l’attractivité des établissements privés à but non lucratif.

En effet, il s’agit d’un mécanisme permettant d’associer les salariés aux résultats et aux performances d’un établissement par le biais d’une prime calculée en fonction de critères prédéfinies.

Selon l’article L.3312-1 du Code du travail, l’intéressement est un dispositif facultatif qui a pour objet d’associer collectivement les salariés aux résultats et aux performances de l’entreprise en leur permettant de bénéficier d’une rémunération complémentaire immédiatement disponible. L’intéressement a donc un caractère aléatoire, car la prime versée aux salariés est calculée à partir des résultats ou des performances de l’établissement.

On parle d’intéressement aux résultats lorsque la formule de calcul fait référence à des indicateurs mesurant la rentabilité économique ou financière de l’entreprise (bénéfice fiscal, comptable, d’exploitation etc.). Ce dispositif lié aux résultats concerne moins les établissements privés à but non lucratifs, dans la mesure où il fait référence à un bénéfice. En revanche ce type d’établissement est d’avantage concerné par un intéressement lié aux performances. En effet, les performances peuvent se mesurer par l’atteinte d’objectifs de qualité, de sécurité ou de satisfaction des usagers. Lorsqu’il s’agit de critères de qualité, leur réalisation peut être constatée par des procédures internes à l’Association ou par un prestataire de services extérieur visant à mettre au point des éléments d’évaluation ou à attester l’atteinte de la performance.

Ce dispositif permettant de fidéliser des professionnels, mais aussi d’attirer d’autres candidats est une solution envisagée par de nombreux établissements médico-sociaux.

Cependant, précisons que l’intéressement n’a pas de caractère de rémunération au sens de l’article L.242-1 du Code de sécurité sociale. Les sommes versées ne sont donc pas assujetties aux cotisations sociales.

Par ailleurs, les primes d’intéressement ne peuvent se substituer à aucun élément de rémunération en vigueur dans l’entreprise ou qui deviendraient obligatoires en vertu de règles légales ou conventionnelles.

L’application de ce principe de non-substitution[4] suppose de respecter un délai minimal de 12 mois,  entre la date de suppression (totale ou partielle) d’un élément de rémunération et celle de la prise d’effet de l’accord d’intéressement. Le non-respect de ce principe de non-substitution entraînerait pour l’établissement, la remise en cause des exonérations sociales et fiscales.

En définitive, pour attirer les candidats, les recruteurs doivent accepter de payer le prix, que ce soit sous forme d’intéressement ou de prime diverses, telles que des primes d’embauche. Cependant pour convaincre le candidat, il faut souvent proposer plus qu’un salaire, si correcte soit-il (B).

Le « plaisir au travail », critère de renforcement de l’attractivité des établissements médico-sociaux

Afin de renforcer son attractivité, l’établissement médico-social doit mettre en valeur ses points forts, en tentant par exemple de convaincre un candidat de quitter son emploi pour venir travailler dans son propre établissement.

L’employeur devra notamment proposer au professionnel de santé un déroulement de carrière intéressant, lister les fonctionnalités que l’établissement a à offrir (crèche par exemple), ou bien  proposer des avantages permettant d’équilibrer travail et vie privée, par l’octroi de jours de repos avantageux pour le candidat. Un nouveau critère fait ainsi son apparition : « le plaisir au travail[5] ».

Aujourd’hui, dans les secteurs où la demande excède l’offre, les demandes d’aménagements d’horaires adaptées à la vie privée du candidat sont nombreuses. Un psychologue résidant à Bordeaux et embauché dans un établissement de Périgueux, pourra par exemple négocier de commencer sa semaine le lundi à 11h00, et de la terminer le vendredi à 12h00. Les rapports au travail se sont donc modifiés, car bien souvent  les meilleurs professionnels ne manquent pas d’opportunités et sélectionnent avec attention les offres auxquelles ils répondent. Comme sur n’importe quel marché de la concurrence, les établissements médico-sociaux doivent s’adapter, et innover pour attirer des professionnels de santé souvent très sollicités.

Postérieurement à la phase de recrutement, les parties entrent dans la période dite précontractuelle répondant à un régime juridique particulier (Section II).

[1] Plan Régional de Santé Aquitaine précédemment cité.

[2] Voir annexe 3 : Contrat de travail d’un médecin retraité en situation de cumul emploi-retraite.

[3] L’intéressement ne doit pas être confondu avec la participation, laquelle consiste à garantir collectivement aux salariés le droit de participer aux résultats de l’entreprise (L.3322-1 CT). La participation étant calculée en fonction du bénéfice net, elle ne concerne pas les établissements privés à but non lucratifs.

[4] L.3312-4 CT.

[5] Selon Jean-Gilles BOULA, « lorsque le soignant participe à la conception, à l’élaboration des rythmes de travail et au mode opératoire du service, c’est-à-dire dans la mesure où il peut remanier l’organisation du travail, le plaisir au travail ou mieux la joie de travailler s’en trouve renforcée, car le travail devient librement organisé, délibérément choisi et conquis. Et ce n’est qu’à ce moment-là que les rigidités et pesanteurs concrètes du travail peuvent être acceptées ». Jean-Gilles BOULA est chargé de cours en science humaines – Webster university – Genève. « Le plaisir au travail » : Sémantique, rationalité, subjectivité dans le travail des soins.