A- EN AMONT DU CONTENTIEUX
1- L’activité de conseil
La première étape du travail consiste à recevoir les adhérents au cours de consultations juridiques afin de répondre à leurs interrogations. Ce travail primordial au sein du syndicat, va permettre de m’intéresser à l’activité de conseil juridiquement protégée par le délit d’exercice illégal de la profession d’avocat. Consultation juridique syndicale
Dès lors, il faut se poser la question juridique suivante :
Dans quelle mesure un syndicat peut- il effectuer des consultations juridiques et rédiger des actes sous seing privé en lieu et place d’un avocat ?
L’article 4 de la loi du 31 décembre 1971[1], confère aux avocats une réserve d’activités dans le domaine de l’assistance et de la représentation judiciaire :
« Nul ne peut, s’il n’est pas avocat , assister ou représenter les parties, postuler et plaider devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires de quelque nature que ce soit, sous réserve des dispositions régissant les avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation ». Consultation juridique syndicale
Par ailleurs, l’article 54 de la loi de 1971 affirme que « nul ne peut, directement ou par personne interposée, à titre habituel et rémunéré, donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé, pour autrui ».
Le délit d’exercice illégal de la profession d’avocat est donc caractérisé dès lors qu’il y a :
- pratique d’une activité juridique en faisant des consultations juridiques ou en rédigeant des actes sous seing privé pour autrui ;
- de façon régulière et onéreuse ;
- par des personnes ne justifiant pas d’une autorisation de la loi ou dépassant les limites de cette autorisation.
Pour autant, les articles 56 à 66 de la loi de 1971 définissent limitativement les personnes habilitées à exercer une activité juridique ainsi que le cadre de leur intervention. L’article 64 précise notamment que « les syndicats et associations professionnels régis par le code du travail peuvent donner des consultations juridiques et rédiger des actes sous seing privé au profit des personnes dont la défense des intérêts est visée par leurs statuts, sur des questions se rapportant directement à leur objet. »
C’est donc dans le cadre de l’article 64 de la loi de 1971 que j’ai pu exercer une activité de conseil auprès des adhérents du syndicat.
L’activité de conseil proprement dite regroupe la consultation juridique et la rédaction d’acte sous seing privé.
La consultation juridique
La consultation juridique n’est définie officiellement par aucun texte législatif. Toutefois, le Conseil National des Barreaux a adopté lors de son Assemblée générale du 18 juin 2011, une définition de la consultation juridique :
Elle consiste en « une prestation intellectuelle personnalisée tendant, sur une question posée, à la fourniture d’un avis ou d’un conseil fondé sur l’application d’une règle de droit en vue, notamment, d’une éventuelle prise de décision. »
Outre de bonnes connaissances juridiques, cet exercice nécessite donc écoute et disponibilité.
Je devais donc répondre à des questions précises, à partir de faits définis. Pour cela, je devais écouter le récit des adhérents, souvent très affectés par leur difficulté professionnelle.Consultation juridique syndicale
Le travail consiste donc à orienter les consultations de manière à ce qu’on recueille des faits datés et circonstanciés ainsi que tous documents utile à l’affaire (lettre de licenciement, certificat de travail..)
Ce travail préalable permet d’identifier le problème juridique et de déterminer la règle de droit applicable au cas d’espèce.Consultation juridique Syndicale
Les consultations étaient destinées à des néophytes (non-juristes) en attente de réponses claires et précises. Pour être écouté, je devais donc adapter mon langage à mes interlocuteurs, afin de communiquer l’information juridique de manière compréhensible. J’ai ainsi pu constater que simplicité et clarté sont les maîtres mots d’une bonne consultation juridique.
Deux types de consultations juridique : la consultation « classique » ayant lieu au cours de la relation contractuelle et la consultation préalable à un entretien disciplinaire.
La consultation juridique ayant lieu au cours de la relation contractuelle
Ce type de consultation était destiné à répondre au questionnement des adhérents. Il s’agissait dans la plus part de les informer sur des points de droit tels que :
- Le calcul des droits à congés payés ;
- Les modes de rupture du contrat de travail, etc.
Ainsi, j’ai eu l’occasion de recevoir en consultation une adhérente suivi depuis plusieurs années par le service juridique de l’UNSA. Cette personne rencontrait de graves difficultés relationnelles et professionnelles avec son employeur.
Dans cette affaire, l’employeur gérant et propriétaire d’un hôtel, ne respectait aucune règle relative à la prise des congés payés et à la durée du travail. De surcroit, il avait sanctionné disciplinairement sa salariée, femme de chambre, pour un motif manifestement erroné.
– Déroulement Consultation
Au cours de consultations juridiques, il faut expliquer à l’adhérente les règles afférentes à la prise des congés payés et aux jours de fractionnement. En effet, son employeur ne respectait pas la période légale de prise des congés et lui imposait de prendre ses jours de repos en pleine période hivernale. Il ne lui calculait aucune règle de fractionnement des congés-payés. En outre, alors que l’employeur avait opté pour un régime de modulation du temps de travail sur l’année, les plannings et les horaires de travail étaient communiqués au jour le jour.
Dans ce dossier, j’étais confronté à la fois à la détresse d’une salariés désireuse de conserver son poste de travail et à l’ignorance d’un employeur méconnaissant totalement les règles du Code du travail.
Face à cette difficulté, ma Maître de stage et moi-même avons rencontré l’employeur, gérant et propriétaire de l’hôtel. Ce dernier nous avouait être totalement dépassé par les règles imposées par le Code du travail. Toutefois, afin de faire cesser les troubles dont étaient victime la salariée, nous lui avons rappelé les dispositions applicables et avons saisi l’inspecteur du travail.
Par la suite, ce dernier a d’ailleurs diligenté une enquête au sein de l’hôtel pour constater les conditions de travail de la salariée. Cette consultation juridique va donc permettre d’établir le relais entre les différents acteurs de la relation de travail : le salarié, l’employeur et l’inspecteur du travail.
La consultation juridique préalable aux entretiens disciplinaire
Outre les consultations traditionnelles, je devais également recevoir en consultation les salariés convoqués à un entretien préalable à un licenciement. Cette consultation était l’occasion de faire le point, généralement la veille ou l’avant-veille de l’entretien au cours duquel le salarié était assisté par ma maître de stage en sa qualité de conseiller du salarié.Consultation juridique syndicale
Au cours des consultations le travail se décompose en trois étapes : l’identification des faits, des sanctions encourues, et les conséquences indemnitaires pour le salarié.
L’identification des faits
Il faut tout d’abord comprendre les faits reprochés au salarié. Ce travail n’est pas nécessairement le plus simple, car certains salariés ignorent totalement les motifs de leur convocation. Dans de telles circonstances, il faut les interrogeais sur les relations professionnelles qu’ils entretiennent avec leur collègue, leur hiérarchie, et voir même avec la clientèle de l’entreprise. Il faut les questionnais également sur la qualité de leur travail. Mais aussi sur d’éventuelles fautes qui auraient pu être commises à l’occasion de la prestation de travail. Cette étape préalable va permettre constater que de nombreux salariés ignoraient les motifs possibles d’un licenciement.
Ainsi, on se doit d’amené à expliquer à une salarié que le fait de dénigrer son employeur. Auprès de ses collègues et de la clientèle était constitutif d’une faute grave, ce qu’elle semblait manifestement ignorer.Consultation juridique syndicale
Identification des sanctions encourues
Une fois les faits établis il faut faire le point avec le salarié sur les sanctions encourues, à savoir :
- l’avertissement et le blâme, dont les conséquences restent minimes ;
- la mise à pied disciplinaire, consistant à interdire à un salarié coupable. (ou présumé coupable) d’une faute de se présenter à son travail.
- le licenciement pour cause réelle et sérieuse;
- Pour faute grave;
- le licenciement pour faute lourde, de manière plus exceptionnelle.
Lorsqu’une mise à pied conservatoire est prononcée, il faut expliquer au salarié qu’il ne s’agit pas d’une sanction disciplinaire au proprement dite, mais d’une mesure provisoire permettant à l’employeur d’écarter le salarié de l’entreprise le temps de l’enquête.
Les conséquences indemnitaires
Il était important d’informer le salarié des conséquences indemnitaires de la sanction prononcée.
Lorsqu’un licenciement pour faute grave est envisagé, il faut informer le salarié qu’il serait privé de son indemnité de licenciement. Et l’informer quant au maintien de ses droits à l’indemnité de congés-payés et à l’allocation chômage.
Dans l’hypothèse où la procédure était accompagnée d’une mise à pied conservatoire. Il faut informer également l’adhérent que de l’issue de la procédure dépendait le paiement de la mise à pied conservatoire. En effet, si la procédure conduit à un licenciement pour faute grave, la mise à pied conservatoire n’est pas payée. Si elle abouti à un licenciement pour cause réelle et sérieuse, la mise à pied conservatoire doit être payée.
Mes consultations étaient destinées à un public souvent fragilisé, non averti et méconnaissant totalement leur droit.
Il faut ajuster son discours à ces personnes souvent démunies, victimes de harcèlement moral et de licenciement pour motif disciplinaire ou économique.
[1] Loi n°71-1130 du 31 décembre 1971.