I- Une démarche « non autonome »

1. Si la GPEC est identifiée comme une procédure stratégique « non autonome », c’est-à-dire liée à son environnement externe, c’est certainement parce qu’en définitive, elle répond au diktat des tutelles, et qu’elle demeure prise en considération par la procédure de certification des établissements. Au sein de cette partie, nous nous intéresserons particulièrement à cette démarche orientée par les tutelles (A), et incitée par la certification des établissements (B).

A- Une démarche orientée par la tutelle

2. Dans le champ sanitaire, la démarche stratégique de l’établissement est définie en fonction de son environnement. Selon l’IGAS, « il ne peut y avoir de projet autocentré sans prise en compte de l’environnement proche, départemental, voire régional ». L’établissement ne peut donc en aucune manière construire sa stratégie de manière « autonome ». Il demeure lié à son environnement externe, à savoir, la tutelle. Ce dernier doit nécessairement agir en concertation avec l’ARS, en adaptant sa propre politique stratégique à celle du projet régional de santé.

3. En dépit de cette autonomie limitée, un rapport de l’IGAS relatif au « management et à l’efficience hospitalière », démontre que l’hôpital ou la clinique pourra décider d’agir sur son environnement en procédant à des restructurations sous forme de GCS ou de CHT . Il pourra également décider de ne pas procéder à des restructurations ou changements institutionnels, en ajustant sa production en concertation avec les partenaires territoriaux, c’est-à-dire avec les établissements du territoire et l’ARS .

4. Dans le contexte actuel de contrainte budgétaire, la stratégie de l’établissement sera nécessairement orientée vers la maîtrise des dépenses de santé. En effet, la démarche stratégique menée dans le cadre du processus GPEC, fait écho à diverses réformes législatives ayant pour objectif de rationnaliser l’offre de soin. Rappelons le, le SROS-PRS succède dorénavant au SROS III, et constitue un outil de mise en œuvre du plan stratégique régional de santé que l’établissement devra intégrer à sa démarche GPEC.

La stratégie GPEC aura ainsi pour objectif de répondre au mieux aux besoins de santé du territoire. Par ailleurs, élaborer une démarche GPEC en adéquation avec les contraintes budgétaires de l’établissement, résulte du dispositif de tarification à l’activité, issu de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2004 , et dont l’objectif était de « médicaliser » le financement des hôpitaux et d’instaurer un régime unique de financement.

Dorénavant, la démarche GPEC de l’établissement devra s’ajuster à l’équation suivante : les dépenses sont conditionnées par les recettes générées par l’activité. Ces nouveaux modes de financement impliquent une responsabilisation ainsi qu’une autonomisation des organisations, tenues d’établir une démarche financière prévisionnelle, que ne pourra ignorer la démarche GPEC. Notons également que la contractualisation de l’établissement de santé avec l’ARS, par le jeu des CPOM , permettra aux acteurs de santé de disposer d’une certaine visibilité facilitant la définition d’une stratégie d’établissement et garantissant l’efficience de leur organisation.

5. Dans cet esprit d’efficience, l’établissement pourra également envisager d’élargir l’offre de soin délivrée aux patients en procédant au développement de la chirurgie ambulatoire . Ce type de stratégie se révèle généralement très profitable pour l’organisation, dans la mesure où « la prise en charge ambulatoire mobilise moins de ressources et d’actes ». « La clinique ou l’hôpital y voient un avantage d’autant plus grand que l’acte de chirurgie ambulatoire est désormais tarifé au même niveau qu’un acte de chirurgie de courte durée, alors qu’il revient moins cher à produire ».

6. Somme toute, c’est en procédant à une analyse « médico-économique », que l’hôpital ou la clinique pourra tenter d’ajuster ses effectifs et ses activités aux dotations de la tutelle. Dans ce cadre, l’établissement devra anticiper et prévoir l’intégration de nouvelles activités et corrélativement, procéder à de nouveaux recrutements. Parallèlement, il pourra prévenir les départs des professionnels, du fait de la retraite ou d’autres modes de ruptures du contrat.

7. En définitive, si la stratégie des établissements a principalement pour visée la maîtrise des dépenses de santé, précisons qu’elle doit également conduire à promouvoir la bonne image de l’établissement. Ce type de « stratégie partagée » repose ainsi sur un travail d’équipe tant managérial que culturel. Elle doit être menée en lien avec l’objectif global et fédérateur d’amélioration de la qualité et de la prise en charge du patient.

B- Une démarche incitée par la certification des établissements

8. Si la mise en œuvre d’une démarche prévisionnelle de gestion des compétences est largement induite par les réformes hospitalières précitées, la procédure de certification est certainement celle qui incite, plus que tout autre chose, les établissements à conduire ce type de démarche. En effet, ainsi que le souligne Mesdames Cécile DEJOUX et Anne DIETRICH, « le manuel d’accréditation du secteur hospitalier incite fortement à faire de la GPEC pour répondre aux besoins auxquels est confronté ce secteur : difficultés croissantes de recrutement, pénibilité du travail infirmier, départs massifs en retraite, pénurie future de médecins en raison d’une politique de numérus clausus mal anticipé ! ».

9. Introduite par l’ordonnance du 24 avril 1996 et par le décret du 7 avril 1997 , la procédure d’accréditation permet de garantir la qualité des prestations dispensées. Précisons que depuis la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, la terminologie « accréditation » a cédé la place à celle de « certification ».

Il s’agit d’une procédure obligatoire d’évaluation externe, indépendante de l’établissement de santé et des organismes de tutelle, effectuée par des professionnels de santé indépendants, concernant l’ensemble de son fonctionnement et de ses pratiques. Elle s’effectue tous les quatre ans. Cette procédure vise à améliorer la qualité et la sécurité des soins délivrés au patient, et promeut la démarche d’évaluation et d’amélioration des pratiques professionnelles.

10. Rappelons également qu’elle concerne tous les établissements de santé, publics ou privés , GCS , réseaux de santé , et installations de chirurgie esthétique . En principe, elle s’applique à l’entité juridique proprement dite, c’est-à-dire qu’elle concerne tous les établissements de santé, et tous les sites géographiques qui y sont rattachés.

Cependant, de manière dérogatoire, il est possible d’organiser une procédure de certification par établissement, dans l’hypothèse d’entités juridiques de grande taille ou d’établissements géographiquement distincts. Ce type de dérogation peut également être envisagé pour les GCS. Précisons que la procédure de certification ne s’applique pas aux activités médico-sociales, même lorsqu’elles s’exercent au sein d’un établissement de santé .

11. La procédure de certification telle qu’elle existe, incite donc très largement les établissements à s’engager dans une démarche GPEC. En effet, la certification est une démarche dite « évolutive », dont le système de cotation évolue. Actuellement, les établissements de santé sont tenus de se conformer à un référentiel correspondant à la troisième version du manuel initial, le manuel V2010 .

A travers ce document, il est rappelé que l’établissement doit s’adapter à l’environnement sanitaire et médico-social, en mettant en œuvre une stratégie basée sur la planification sanitaire. L’établissement devra ainsi gérer ses ressources humaines en tenant compte des évolutions du secteur. Dès lors, le manuel précise que l’organisation doit définir ses axes stratégiques « en conformité avec les orientations fixées par la puissance publique au travers les outils de planification sanitaire ». Par ailleurs, dans son chapitre premier, relatif au management des établissements , il rappelle que l’établissement doit assurer la continuité de ses missions en termes d’emplois et de compétences, en tenant compte des évolutions qui peuvent avoir un impact sur le contenu des activités.

Par ces quelques mots, le manuel fait référence à la démarche GPEC des établissements. Cette dernière apparaît comme étant un critère à part entière de certification, et par là même, d’évaluation de la qualité. En effet, la qualité des prestations nécessite, de facto, l’accomplissement d’un travail de qualité, ne pouvant se réaliser sans l’intervention d’une équipe complète, de professionnels qualifiés, compétents et disponibles, dont l’organisation aura été préalablement planifiée au cours d’une démarche GPEC.

12. D’un point de vue macroéconomique, la stratégie GPEC est donc dite « non autonome », ou liée à son environnement externe. D’un point de vue microéconomique, elle est également dite « sur mesure », c’est-à-dire adaptée à typologie de l’institution et à son projet d’établissement (§2).

Maître Mouilalc-Delage.

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