Prise en charge du patient

1. La mise en œuvre d’une démarche GPEC nécessite de la part de la direction des ressources humaines, la maîtrise d’outils stratégiques interrogeant les démarches métiers-compétences. Dès lors, dresser la cartographie des métiers de l’établissement induit nécessairement le maniement d’outils tels que le répertoire des métiers, l’emploi-type ou la fiche-fonction. La cartographie des compétences quant à elle, implique l’identification des compétences stratégiques ainsi que l’élaboration d’un dispositif d’évaluation des compétences dont il convient de faire le point.

L’étude de ces outils contribuant à la qualité de prise en charge du patient sera donc l’occasion de nous intéresser au dispositif de cartographie des métiers (I) et des compétences (II).

I- La cartographie des compétences

2. L’évaluation des compétences professionnelles représente un deuxième levier de la démarche GPEC, concourant à l’amélioration de la qualité et de l’efficience des soins. La notion de compétence occupe aujourd’hui une place prépondérante au sein des établissements, soucieux non seulement d’élaborer un référentiel permettant d’identifier et de classer l’évolution des compétences, mais aussi de procéder à l’évaluation individuelle de ses professionnels.

3. Préalablement à tout travail de gestion prévisionnelle proprement dit, l’établissement devra s’attacher à définir la notion de compétence. Cette dernière est variable en fonction des auteurs et des écoles doctrinales.

Dans leur ouvrage relatif à la GPEC, Messieurs CHARLEUX et DEBIEUVRE recensent trois approches de la compétence . Selon l’approche « universaliste », la compétence s’apparente au « potentiel » ou « aptitude universelle » d’un individu, sans lien avec le savoir-faire spécifique à un métier. Au contraire, l’approche « instrumentale » repose sur l’analyse des savoir-faire et des activités au poste de travail.

Enfin, une troisième approche « stratégique » de la compétence, conduit l’établissement à privilégier les compétences « clés », essentielles aux objectifs de travail et à la stratégie que l’organisation entend mettre en œuvre. La compétence stratégique est nécessairement liée aux savoir-faire et aux spécificités de chaque métier. Cette troisième approche semble devoir s’imposer au sein des établissements de santé. Ces derniers seraient tenus de définir leur besoin en compétence, en conformité avec leurs grandes orientations stratégiques.

4. L’évaluation des compétences représente une thématique clé, que l’établissement ne pourra ignorer au cours du processus GPEC. Pour autant, dans le champ sanitaire, cette procédure d’évaluation reste à définir, et nécessite quelques points d’éclaircissement juridiques et techniques. Afin de bien comprendre l’enjeu de cette problématique, il convient d’en rappeler le contexte et de dresser un panorama des règles régissant la qualification des professionnels et l’évaluation des compétences médicales.

5. L’évaluation des compétences représente une problématique fondamentale pour l’ensemble des pays européens, source de régulation du système de santé. En effet, afin de faciliter la libre circulation des professionnels de santé, la communauté européenne a pris conscience de l’importance d’harmoniser des dispositifs de formation.

Par ailleurs, devant l’ampleur des scandales sanitaires , la progression de la « judiciarisation » et les attentes des usagers, il est devenu plus que nécessaire de développer des politiques en termes de maitrise des risques et d’assurance qualité, d’accréditation, mais également d’évaluation des compétences.

6. Actuellement, aucun dispositif d’évaluation des compétences à proprement parler, n’est intégré au sein du processus de développement professionnel continu. L’accréditation constitue bien un dispositif volontaire de gestion des risques médicaux, faisant partie intégrante de la démarche qualité et d’amélioration des risques. Cependant, si tout comme le développement professionnel continu, elle participe de l’amélioration des compétences des professionnels, elle doit être distinguée en tout point du processus d’évaluation des compétences à proprement parler.

7. Le rapport MATILLON relatif aux modalités et conditions d’évaluation des compétences médicales , s’est attaché à définir la notion de compétence médicale. Selon ces conclusions, « la compétence d’un professionnel peut être validée par l’obtention d’un diplôme initiale, la mise en œuvre d’une formation continue, une activité professionnelle effective, et un mécanisme de revue par les pairs s’il existe ».

En d’autres termes, la notion de compétence médicale repose sur des acquis théoriques et pratiques préalablement définis en fonction de chaque spécialité médicale et entretenus au cours de l’exercice professionnel. Elle repose également sur des aptitudes et attitudes individuelles, nécessaires à l’exercice médical de qualité.

8. En France, la qualification d’un professionnel induit nécessairement l’évaluation du savoir ou du savoir-faire . Elle ne peut s’obtenir que de trois manières. Tout d’abord, par l’obtention d’un diplôme délivré par l’université. Ensuite, par la reconnaissance d’une compétence équivalente au diplôme. Enfin et exceptionnellement, par l’autorisation d’exercice délivrée par le ministre de la santé.

9. Le non-respect des règles de qualification par le professionnel ou par l’établissement de santé, pourra entraîner la responsabilité indemnitaire ou pénale de ces derniers . En matière de responsabilité indemnitaire, il convient d’établir une distinction entre l’évaluation des gestes techniques fondée sur la notion de compétence, et l’organisation des soins mettant d’avantage en lumière la notion de qualification professionnelle.

En effet, Le caractère fautif ou non des gestes techniques des professionnels est apprécié par le juge en fonction de leur conformité aux règles de l’art, autrement dit, en fonction du savoir-faire ou de la compétence du professionnel. Afin d’anticiper les décisions du juge en la matière, il conviendra d’ailleurs de définir au mieux le contenu de cette « norme professionnelle », en déterminant les outils d’évaluation et de mesure de l’activité professionnelle.

A contrario, la responsabilité indemnitaire des établissements en lien avec l’organisation des soins, pourra être engagée en cas de manquement aux règles de qualification.

En fonction de la nature de l’établissement, public ou privé, la faute dans l’organisation des services, ou le non-respect d’une obligation contractuelle liant le patient à la clinique, pourra être caractérisée par le juge. Rappelons également que la responsabilité pénale des professionnels est appréciée « in concreto » c’est-à-dire en considération des circonstances d’espèces et de la compétence du professionnel.

Au contraire, la responsabilité pénale des établissements sera plus facile à engager, dans la mesure où elle est appréciée « in abstracto », c’est-à-dire de manière plus objective. En définitive, le respect des règles de qualification par l’établissement, ainsi que l’accomplissement de gestes techniques « consciencieux, attentifs et conformes aux données de la science » par le professionnel, permettront aux deux parties de préserver leurs responsabilités respectives.

10. Afin de s’assurer du maintien de la compétence, le Conseil National de l’Ordre des Médecins Français envisage la création d’un référentiel métier-compétence propre à chaque spécialité médicale. Ces référentiels métiers-compétences pourraient constituer de véritables outils de qualification des professionnels. Certains collèges de spécialité médicale et notamment la fédération des collèges de chirurgie, ont d’ailleurs entrepris de vastes travaux en la matière et tentent d’établir des « critères » et des « exigences » nécessaires pour l’exercice d’une chirurgie de qualité.

Le rapport MATILLON propose également de s’inspirer des modèles de collèges européens et anglo-saxons en matière de suivi et de validation de la compétence, ou plus spécifiquement de certification ou de « revalidation ». Dans la plupart de ces pays, des référentiels compétence sont élaborés par des « boards » de spécialité délivrant un agrément d’exercice. Les Etats-Unis dispose d’un système de certification des professionnels très élaboré, reposant sur 24 « boards » de spécialité délivrant des autorisations d’exercer. Ces « boards » sont également chargés d’assurer le suivi et le maintien de la certification.

En outre, les professionnels peuvent être amenés à contractualiser individuellement avec leur établissement de santé . Le rapport MATILLON propose de transposer ce type de système au modèle français. Dans cette logique, des « boards » de spécialité française certifieraient les praticiens et délivreraient un agrément d’exercice. Parallèlement, le praticien pourrait contractualiser de manière individuelle avec l’établissement de santé. Un « board » constitué au sein des structures hospitalières délivrerait une autorisation d’exercer dans l’établissement, sous conditions de critères de performances cliniques contractualisés avec le praticien.

11. Pour autant, la mise en œuvre d’un tel processus d’évaluation des compétences nécessite un certain nombre d’approfondissements en termes juridiques et de gestion des organisations. Prise en charge du patient.

En effet, en fonction de la nature publique ou privée de l’établissement, du statut libéral ou salarié des professionnels, plusieurs régimes juridiques pourront coexister. Dans de telles hypothèses, il convient de s’interroger. Dans quelle mesure évaluer les compétences d’un professionnel lié par un contrat d’exercice libéral ou un contrat salarié à un établissement privé ?

Comment articuler évaluation des compétences et centre national de gestion des carrières au sein d’un établissement public ? Par ailleurs, en cas de faute, la répartition des responsabilités sera nécessairement différente en fonction de la nature publique ou privée de l’établissement et du statut salarié ou indépendant du professionnel.

En tout état de cause, si un tel dispositif d’évaluation des compétences devait être instauré en France, il serait primordial d’harmoniser les différents régimes juridiques. Cet ajustement entre les statuts et les établissements publics et privés, permettrait ainsi d’endiguer les problématiques relatives à la mobilité et à l’évolution de carrière des professionnels.

En outre, il conviendrait d’identifier les protagonistes de l’évaluation des compétences et de déterminer les responsabilités de chacun. En effet, en vertu de la loi du 4 mars 2002 , les ordres professionnels ont l’obligation de veiller à la compétence des professionnels.

Prise en charge du patient

Pour autant, n’est-il pas envisageable de laisser aux collèges médicaux, une plus grande place dans l’évaluation des compétences ? Par ailleurs, la responsabilité des protagonistes devra être questionnée. Dans quelle mesure un établissement de santé pourra t-il voir sa responsabilité engagée dans une démarche de certification ou d’accréditation d’un praticien ?

Faut-il envisager la création de commission ad hoc au sein des établissements en charge de ce type de régulation ? Dans l’hypothèse d’un manquement grave ou d’une aptitude physique défaillante, une information devra-t-elle être transmise au conseil de l’ordre ? Autant d’interrogations nécessitant que soit repensée l’organisation du système de qualification et de recertification des professionnels. Cette refonte des dispositifs devra naturellement s’intégrer à la procédure d’évaluation des compétences des professionnels menée dans le cadre de la démarche GPEC.